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Éducation: Mais qu’est-ce que ça va prendre?

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Jeudi dernier était ironiquement la journée « Bell cause pour la cause », qui fait la promotion de la santé mentale. On peut remettre en doute l’intégrité d’une entreprise comme Bell dans un tel contexte, mais le message reste tout de même important.

Il y a de ces journées, de ces semaines, de ces mois, et même de ces années que l’on préfère oublier. Des moments où les choses ne vont pas comme on l’aurait espéré. Chaque personne gère ces situations de façon différente.

Pour certains c’est le sport, les arts ou autres. Pour ma part, c’est de mettre le tout par écrit. Ça m’aide à évacuer le trop-plein. C’est plus facile d’y voir plus clair. Mettre des mots sur ce sentiment d’impuissance qui me ronge l’intérieur.

La santé mentale est sans aucun doute le problème le plus sous-estimé de nos sociétés. Et comme je l’ai partagé dans de précédents textes, je n’ai pas honte de parler de mes problèmes à ce niveau.

Mais en ce moment, c’est un sentiment encore plus viscéral qui m’habite. Un sentiment que je n’ai jamais expérimenté. J’aime penser à la blague que l’approche de la quarantaine me joue de vilains tours. Mais je sais très bien que c’est plus que ça.

 Avec ce texte, j’ai envie de poser les vraies questions comme on dit.

À quel point la situation doit devenir catastrophique pour que les choses changent en Éducation ?

J’ai rarement eu autant la rage au cœur face à ma profession. Chaque jour amène ses nouvelles frustrations, ses débordements et ses incompréhensions. Mais ce sentiment n’est pas contre mon employeur ou contre mes élèves. Bien au contraire. Le problème n’est pas là, il est au niveau système dans son ensemble. Ce ne sont pas les individus, mais bien la lourdeur de l’appareil scolaire dans son sous financement.

Pour les gens de ma génération, je me sens un peu comme une chanson de « Rage Against the machine ».

Je ne sais plus comment gérer ce sentiment.

M. Legault et M. Roberge, je vais donc vous le mettre par écrit.

Et vous le partager.

Vendredi dernier, le Journal de Montréal sortait un article qui a grandement fait réagir. Il affirme que le Québec vit présentement le pire exode d’enseignants depuis plusieurs années. Des centaines d’enseignants ont quitté la profession dans les derniers mois.

https://www.journaldemontreal.com/2021/01/29/des-centaines-de-profs-decrochent

On pourrait croire d’emblée que la pandémie y est pour beaucoup. Je ne suis pas vraiment en accord. Certes, la pandémie chamboule la vie de tout le monde. Le monde de l’Éducation n’y fait pas exception.

Par contre, cette hécatombe de profs qui tombent au combat et qui quittent le navire est mise en lumière par la pandémie. Pour le commun des mortels, cette nouvelle peut surprendre. Mais pour les acteurs du terrain, c’est quelque chose qui était prévisible et surtout décrié depuis une éternité.

J’ai d’ailleurs été invité à commenter cet article à l’émission de Geneviève Pettersen sur QUB Radio. Le timing était parfait, car j’en avais vraiment long à dire sur le sujet. Je vous invite à aller écouter le tout. C’est un bon échantillon du pouls du milieu, du vrai terrain.

Mais qu’est-ce que ça va prendre pour que votre gouvernement réagisse ?

J’ai l’impression que l’on s’enfonce collectivement en tant que société. Le système d’Éducation est sur le respirateur artificiel. (Et je ne parle même pas ici de la saga des échangeurs d’airs ici).

Oui, vous avez hérité des problèmes des autres gouvernements précédents. Est-ce injuste ? Probablement. Mais vous avez fait campagne sur l’éducation. Il est temps de passer de la parole aux actes.

Il est ironique de vous avoir entendu faire de l’éducation et les conditions de travail des profs votre cheval de bataille. Surtout quand on voit à quel point les négociations actuelles sont au neutre.

Pire encore, vous nous offrez un recul salarial, et aucun changement dans les conditions de travail. Encore des classes surchargées et un manque de service aux élèves.

Les profs d’expérience devancent leur retraite de plusieurs années. Ils veulent finir leur carrière en santé et sur leurs deux pieds. Et ce, même si leur rentre de retraite est grandement diminuée. Il me semble que c’est un facteur qui parle, non ?

Pour ce qui est de la relève, la situation est encore pire. Les jeunes quittent après quelques années, désabusés et désillusionnés par le système. La relève est anémique. En plus, on ne met rien en place pour leur donner de vraies conditions de travail acceptable.

Comment voulez-vous attirer des emplois payants au Québec, si le système d’Éducation ne peut fournir les conditions aux élèves pour réussir dans leurs études ? Pour avoir des « jobs payantes », ça prend un diplôme, une spécialisation ou un haut niveau d’éducation.

Et pour ça, il faut un système scolaire qui met tout en son possible pour permettre aux jeunes d’y arriver. Investir dans les conditions de travail du personnel scolaire, c’est investir dans nos jeunes, dans la relève, dans le Québec de demain.

Cette situation ne peut pas continuer.

Je ne me suis jamais autant remis en question. Pour la première fois en 12 ans, j’ai même regardé des offres d’emplois. Je ne compte plus les fois où j’ai pensé démissionner. Comme tant d’enseignants ont fait dans les derniers mois. Mais je ne laisserai pas votre inaction me briser.

Au contraire, je vais tout faire pour vous influencer à changer les choses. À faire ce qui aurait dû être fait il y a des années. Et je sais qu’ils sont des milliers derrière moi à m’appuyer, prêt à eux aussi se faire entendre.

Je sais que je nous pouvons compter sur le support de vos collègues de l’opposition. J’en profite pour saluer Mme Marwah Rizqy, de Mme Véronique Hivon et Mme Christine Labrie, et les remercie pour leurs efforts en matière d’Éducation. L’Éducation ne devrait pas être une politique partisane, au contraire. Vous devriez clairement prendre le temps de les écouter, et de travailler en collaboration avec eux.

J’ai donc décidé de monter au front. Je ne veux pas passer le reste de ma carrière dans un système scolaire qui se détériore de plus en plus chaque jour. J’ai l’impression d’assister à un déraillement de train au ralenti.

Je pense aussi à ma fille, qui débute son cheminement scolaire. Elle a droit à une éducation de qualité, comme pour tous les autres enfants du Québec. Ils sont notre avenir, ainsi que notre plus grande richesse.

Pour terminer ce texte, M. Roberge et M. Legault, j’aimerai reprendre les paroles de Pierre Falardeau, adaptées à ma façon. Même si c’est un peu cliché, je trouve que cette citation est parfaite.

Vous allez sans doute me trouver dérangeant. Peut-être même énervant. Mais au final, vous allez m’appeler Mr. le Prof.  

— Jonathan St-Pierre, Papa, prof et un simple pion dans la machine.

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