mois de l'histoire des noirs
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Le Mois de l’histoire des Noirs au Canada

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**Ce texte, publié dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs au Canada, est une collaboration de Mme. Misaki Bella. Mme Bella est une historienne d’origine haïtiano-canadienne.**

Le mois de l’histoire des Noirs est une façon de partager et d’apprendre sur les différents accomplissements des afro descendants en Amérique. Cette commémoration au Canada est plutôt jeune, car ce n’est qu’en février en 1996 que le mois de l’histoire des Noirs est observé à travers le pays.

Le mois de février n’a pas été choisi parce qu’il était le mois plus court. La raison est parce que le mois de février est celui de naissance d’un ancien esclave abolitionniste, Frederick Douglass et du président Abraham Lincoln.

Ce dernier a mis fin à l’esclavage, après la victoire de l’Union durant la guerre de Sécession. Le 13e amendement voit ainsi le jour. En 1976, le mois de février devient aux États-Unis une commémoration nationale.

Afin de souligner le mois de l’histoire des Noirs, je vais vous présenter quelques afro descendants et un événement marquant qui ont laissé une trace dans l’histoire du Canada.

Mathieu Da Costa

Il est, selon plusieurs historiens, le premier Noir à être venu au Canada. On suppose qu’il était accompagné par Samuel de Champlain. Les sources mentionnent peu d’information à son sujet, comme date et son lieu de naissance ainsi que le moment de son décès.

Ce que les sources nous indiquent c’est que Mathieu Da Costa est un Africain qui était libre et qui a travaillé comme interprète pour les Portugais, les Hollandais, les Anglais et les Français.

Pour les Français, il aurait servi d’interprète auprès des peuples autochtones. Les historiens se posent des questions à savoir comment il aurait pu communiquer avec le peuple indigène d’Amérique.

À l’époque une certaine forme de langage simplifié existait (un Pidgin) qui permettait aux Européens et aux autochtones de communiquer. Ce moyen de communiquer était une fusion du Basque (langue utilisée par les pêcheurs) et des langues locales.

Sa maitrise de plusieurs langues le rend très désirable auprès des explorateurs. Les sources indiquent qu’il serait venu en Nouvelle- France autour de 1609.

En somme, il s’agit du premier Noir avoir foulé la Nouvelle-France et il n’était pas un esclave. Bien au contraire, il était payé pour ses services de traducteur.

Olivier Le Jeune

Olivier est né en 1621 au Madagascar et il est décédé en 1654 au Québec.  Le Jeune avait 6 ans quand il aborda le navire anglais qui se dirigeait vers la Nouvelle-France. En juillet 1632, il a été vendu à un Français Olivier La Baillif pour la somme de 50 écus. Cet acte de vente atteste de la première vente d’un esclave au Québec.

Une fois que le jeune esclave fut la propriété de Guillaume Couillard, il a reçu une éducation religieuse par les jésuites. En 1633, il sera baptisé et sera nommé Olivier Le Jeune. Olivier était le premier étudiant noir inscrit au Québec. 

« Il fut le premier esclave, le premier élève et prisonnier noir de l’histoire du Québec, il constitue sans l’ombre d’un doute un cas unique ».

Jusqu’à sa mort en 1654, nous avons peu d’information. Son acte de décès indique qu’il était un domestique, mais il était monnaie courante pour un esclave d’être désigné comme domestique. Personne ne sait s’il était un homme libre au moment de son décès.

Marie Joseph Angélique

Elle est née au Portugal vers 1705 et est décédée à Montréal en 1734. Elle été une esclave noire, propriété de Thérèse de Couagne de Francheville à Montréal.

Le 10 avril 1734, un incendie détruit une grande partie de Montréal. Angélique est accusée d’avoir mis le feu et elle est arrêtée le lendemain. Elle est âgée de 29 lorsqu’elle comparait devant le juge Pierre Rimbault.

À cette époque, c’est le système de droit français et XVIIIe tout accusé est présumé coupable. De plus, il n’y a pas de procès devant jury ou même d’avocat. Oui le Roi-Soleil interdit la pratique de ce métier dans la colonie. Disons qu’il serait difficile dans ces conditions de prouver son innocence.

Ce procès marque les annales juridiques de la colonie. En effet, plus de 24 témoins comparaissent. Tous affirment Angélique aurait mis le feu parce qu’elle aurait qu’elle ferait. Une fillette de 5 ans affirme également l’avoir vu avec un pot de charbon dans les minutes ayant précédé l’incendie.

Le procès durera 6 semaines avant qu’Angélique soit condamnée à mort. Elle n’a jamais cessé de clamer son innocence.

Nul ne sait si elle aurait mis le feu, ce que les archives juridiques semblent indiquer que la preuve ne reposerait sur des faits circonstanciels et des ouï-dire. Une chose est sure, la défense aujourd’hui n’aurait pas de difficulté à prouver un doute raisonnable.

L’arrestation d’Angélique et son procès dresse un portrait de l’esclavage à cette époque. Cette institution particulière dura pendant 200 longues années au Canada. Elle était peut-être le bouc émissaire idéal : noire et esclave et sans droit reconnu dans la société blanche de l’époque.

Viola Desmond

Viola est une femme d’affaires née à la Nouvelle-Écosse en 1914. Elle avait une carrière de cosméticienne.  Son école de cosmétique Desmond School of Beauty Culture, en fait d’elle une référence dans la communauté noire en Nouvelle-Écosse.

Certains disent de Desmond qu’elle est la Rosa Park canadienne, alors qu’elle défie la ségrégation 9 ans avant son homologue américaine. En 1946, elle s’arrête à New Glasgow alors qu’elle est en direction vers Sydney Nouvelle-Écosse.

Arrivée au cinéma Roseland, elle demande un billet pour le parterre, mais comme Viola est une personne de couleur, la caissière lui remet un billet au balcon. Quand elle se présente au parterre, un employé lui dit qu’elle doit se diriger au balcon.

Desmond retourne à la caisse pour avoir un billet pour le parterre, lorsque celle-ci refuse en affirmant qu’elle ne peut vendre à des personnes comme elle. C’est à ce moment qu’elle réalise qu’elle fait référence à sa couleur de peau.

Elle décide tout de même de s’asseoir dans le parterre. Le gérant appelle la police parce que Desmond refuse de quitter son siège.

Elle est arrêtée et passera la nuit en prison.

Elle sera accusée d’avoir tenté de frauder le gouvernement provincial parce qu’elle n’aurait pas payé la taxe d’un sou. La différence de prix entre le parterre et le balcon, même si elle était prête à payer, le juge la condamne à une amende de 26$.

Même si la seule chose que l’on reproche à Desmond est le fait qu’elle ait voulu s’assoir dans la section réservée au Blanc, à aucun moment la question raciale n’est invoquée lors du procès.

Elle tentera de faire renverser sa condamnation, mais en vain. Malgré cet échec, il y a une grande mobilisation de la communauté noire de la Nouvelle-Écosse. Ils n’en peuvent plus d’être des citoyens de deuxième classe et qui veut mettre fin au statu quo.

En 1954, la ségrégation est officiellement terminée en Nouvelle-Écosse.

Viola Desmond reçoit un pardon absolu en 2010. En 2016, elle est la première femme à figurer sur notre monnaie. Il y a quelques semaines, la province de la Nouvelle-Écosse a remboursé symboliquement l’amende de 26$, et ce, 75 ans après les faits.

Fait intéressant, le boycottage de Montgomery débute le 1er décembre 1955 aux États-Unis avec Rosa Park. La fin de la ségrégation dans une province canadienne précède la célèbre lutte américaine et je crois que nous devons en être fiers.

L’affaire Fred Christie, (Christie c. York)

Cette histoire est une décision de la Cour suprême du Canada qui vient d’une certaine façon légalisé la discrimination. Ce cas lève le voile sur l’expression du racisme au Canada, elle est subtile, mais bien présente au début du XXe siècle.

Fred Christie est né en Jamaïque et il s’installe à Montréal en 1919.  Il emménage à Verdun, un quartier qui se situe dans le sud-ouest de l’ile. À l’époque cet endroit est habité par une communauté noire qui est en constante expansion. Il s’intègre à sa société d’accueil. Il se découvre une passion pour le sport national, le hockey. 

Dans les années 30, Montréal est marqué par le racisme, certaines professions ne leur sont pas accessibles, sans compter que plusieurs lieux publics refusent de servir des Noirs.

Le samedi 11 juillet 1936, Fred Christie accompagné de deux amis se rend au Forum. Christie se rend à la taverne York et tente de se commander une bière, sans succès. Le serveur et le barman refusent de le servir parce qu’il est Noir.

Ce qu’il faut savoir c’est que la direction de l’établissement avait mis en place une nouvelle politique de discrimination raciale. Offensé, il appelle la police, mais ces derniers n’interviennent pas.

La communauté noire de Montréal apprend très vite les nouvelles politiques de la taverne. Elle se mobilise et un fonds d’aide est mise en place afin que Christie puisse se saisir des tribunaux.

En 1939, l’affaire se rend à la Cour suprême.

Le juge en chef et les autres membres de la cour écoutent les arguments des deux parties. En décembre, elle rend son verdict, en disant que la taverne n’avait aucune obligation légale de servir tous ses clients.

Elle pouvait refuser de servir une personne à sa discrétion. Ce qui est selon moi contraire à la mentalité capitaliste, mais comme on dit à chacun son truc.

Ce qu’il faut savoir des années 30, la constitution canadienne n’assure aucune protection en ce qui a trait à l’égalité. De plus, aucune loi au Canada et au Québec n’est spécifiquement discriminatoire.

Des juristes critiquent la décision de la Cour Suprême pendant des décennies. La société de l’époque vie de grand changement , comme la montée des droits de la personne ce qui permet un changement dans les loi du pays.

Par la suite, différentes lois tant au niveau provincial que fédéral tentent de mettre un terme à cette discrimination.

Le clou de cette saga est en 1975 la province de Québec met en place la charte des droits et liberté qui interdit la discrimination basée sur des motifs ethniques. Cette charte est enchâssée dans la constitution canadienne et protège le sexe, la religion, l’orientation sexuelle et l’expression de genre.

Pour conclure, en ce Mois de l’histoire des Noirs au Canada, il est important de se rappeler, et de prendre conscience, qu’il y a toujours place à l’amélioration de la qualité de vie des citoyens d’une société, et ce peu importe l’époque historique.

– Misaki Bella*

*Nom de plume

N.B. Pour d’autres informations sur le Mois de l’histoire des Noirs au Canada, visitez le site web de l’Encyclopédie canadienne.

https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr

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