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Le piège à clics, ou la “fosse aux nouvelles”

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** Ce texte sur la qualité des nouvelles en ligne, en complément à mon dernier article “Au nom du père et du clic“, est une collaboration de M. Patrick Rodrigue. Journaliste depuis plus de 20 ans, il est également rédacteur en chef d’un média écrit. **

On le vit régulièrement dans les médias. Nombreux sont ceux qui préfèrent publier des nouvelles approximatives afin de bénéficier de la viralité et des clics qui s’ensuivent, quitte à publier un correctif plus tard quand les détails complets sont connus et que cela relativise la nouvelle d’origine.

Le problème, c’est que bien peu de gens vont aller lire la deuxième version. Les gens n’auront donc en tête que la version d’origine, qui souvent manque de détails et, dans le pire des cas, tourne les coins ronds et donne une image tronquée de la réalité.

Quant aux médias qui, eux, auront choisi d’attendre que tous les détails soient connus avant de publier la nouvelle, trop souvent, leur texte passe complètement sous le radar. Et pour cause: les réseaux sociaux sont déjà saturés par les versions initiales approximatives des autres.

Une fois les nouvelles en ligne, il n’y a plus de retour possible

Dans la tête des gens, pas besoin, alors, de lire une énième version. Surtout quand elle apparaît bien plus tard (même une simple heure est, dans le monde médiatique, un retard immense) que toutes les autres.

Le dilemme devient donc déchirant, voire cornélien, pour le média qui veut informer correctement la population: publie-t-on tout de suite avec l’information incomplète dont on dispose afin de ne pas rater la vague de la viralité ou attend-on de disposer de tous les éléments afin de publier quelque chose de complet, précis, détaillé et, surtout, pertinent, mais qui finira aux oubliettes parce que mis en ligne après tout le monde?

Si les lecteurs ne sont pas au rendez-vous parce qu’ils préfèrent se contenter de la nouvelle qui arrive vite-vite-vite mais qui tourne un peu les coins ronds, on se retrouve face à deux choix: continuer dans cette voie et perdre des lecteurs jusqu’au point où les annonceurs vont déserter ou embarquer dans le train de la viralité, perdre de la crédibilité, mais assurer sa survie financière.

À ce jour, pour une question de professionnalisme, j’ai toujours opté pour la première avenue.

Mais combien de temps pourrons-nous garder le fort?

Car comme le fait remarquer mon collègue Martin Guindon, la vérité n’intéresse plus les gens: il faut désormais indigner, provoquer des réactions, susciter de l’engagement, tout cela au nom du Sacro-saint clic.

Pire encore, lorsqu’on publie de l’information basée sur des faits vérifiables et vérifiés, on se fait régulièrement reprocher par une certaine frange de lecteurs (qui crient malheureusement très fort) de mentir à la population. Tout cela parce que ce qu’on publie vient heurter leurs valeurs.

Tirer sur le messager quand son message nous déplaît plutôt que d’opposer à son discours des contre-arguments logiques qui enrichissent le débat public est devenu un sport national. Mais je m’écarte de mon propos principal.

Tant que primera la Quête sacrée du clic, tout le monde sera perdant parce qu’on finira par uniquement leur rapporter ce qu’ils veulent entendre et non ce qu’ils doivent entendre.

Et par « doivent entendre », je n’invoque pas ici un quelconque paternalisme du style « on vous dit quoi penser », mais bien une information qu’on souhaite la plus neutre, objective et pertinente possible à l’évolution du débat public.

Bref, exposer les faits, en toute transparence et simplicité. Ce que les gens font avec, après ça, ne concerne qu’eux.

-Patrick Rodrigue

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