Journée LGBTQ+ du 17 mai: Autant de fait qu’il en reste à faire
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** Ce texte sur la journée internationale contre l’homophobie et la communauté LGBTQ+ est une collaboration de M. François-Olivier Loignon, enseignant au secondaire.**
C’était un cours de musique ordinaire, avec un groupe régulier. Rien d’extraordinaire prévu à l’horaire cette journée.
Puis soudain, en plein milieu du cours, une élève lève la main. Il a un sourire malicieux et pose cette question de façon complètement aléatoire. Une question comme seuls les adolescents savent le faire : « Monsieur, des personnes ont été voir ton facebook. C’est-tu vrai que t’es gai? »
Je ne vous mentirai pas, je m’étais préparé à cette question la journée où j’ai choisi d’être enseignant. Je lui ai donc servi ma variation du test des trois passoires :
« Est-ce que ma réponse va changer mon enseignement et faire de moi un meilleur prof? »
« Non. »
« Est-ce que ma réponse va faciliter ton apprentissage de la musique? »
« Non. »
« Est-ce que ma réponse va te permettre de mieux t’épanouir dans l’école et améliorer ton cheminement scolaire?
« Non. »
« Alors, je crois que tu comprends que ce n’est pas pertinent d’y répondre. Tout le monde, mesure 17. »
Et aussi préparé ai-je été, cet incident m’a marqué.
Parce que, malgré les améliorations de la société sur les questions LGBT+, ce genre d’évènement nous montre qu’il reste encore du chemin à faire.
Il nous illustre la différence entre « tolérance » et acceptation ».
Nous pourrons parler d’égalité lorsque chaque enseignant (ou autre travailleur) pourra s’épanouir professionnellement sans redouter cette question et se sentir un devoir d’y répondre.
Nous pourrons parler d’égalité lorsque chaque membre de la communauté LGBT+ pourra mettre une photo de son couple sur le coin de son bureau sans avoir le droit au commentaire maladroit :
« T’es gai/lesbienne? Je ne savais pas. »
Nous pourrons parler d’égalité lorsqu’on évitera les commentaires comme « Ça ne parait pas pourtant », « J’ai un ami gai aussi et il ne te ressemble vraiment pas », « C’est cool, je vais avoir un ami gai pour parler de trucs de fille », « Il faut vraiment que je te présente mon ami gai, vous pourriez fitter ».
Je me suis toujours fait un point d’honneur de ne jamais adresser mon homosexualité devant mes élèves à moins que le contexte s’y prête.
Pas par honte, loin de là. Mais parce que je ne veux pas que ça me définisse. Mon orientation sexuelle a contribué a forgé l’humain que je suis… mais au même titre que mon caractère, mon côté artistique, ma tête de cochon, mon amour de la musique et des superhéros.
Je veux que, comme n’importe quel hétérosexuel, elle soit considérée comme un des éléments qui forment le tout qu’est ma personne et non comme ma caractéristique principale.
Je veux être le prof de musique et non le prof gai / LGBTQ+.
Et quand on me parle des luttes à faire pour que la communauté LGBT+ soit acceptée plutôt que tolérée, je pense à cet élève qui espionne mes réseaux sociaux pour me dire en classe « qu’il sait que je suis gai ».
Je pense aux ados qui vont se faire assumer une orientation sexuelle de façon péjorative parce qu’ils sont plus féminins, qu’ils sont plus artistiques ou qu’ils correspondent aux clichés encore persistants sur l’homosexualité.
J’ai une pensée pour l’ado de 16 ans dont le simple fait de porter un foulard au secondaire lui a mérité les magnifiques surnoms de « fif », « tapette », etc.
J’ai souvenir du jeune homme de 20 ans qui, avant d’entrer au Village gai de Montréal pour la première fois, se fait crier devant le Parc Émilie-Gamelin : « Eille, la tapette : veux-tu du speed? »
Je pense à l’homme de 30 ans qui reçoit des messages homophobes pendant une journée complète après avoir osé critiquer Mathieu Bock-Côté.
Je pense aux élèves qui, en apprenant que je ne suis pas célibataire, me voient déjà marié avec une femme et deux enfants.
Sans oublier les nombreuses fois où j’ai dû me rappeler que je ne peux toujours pas donner du sang parce qu’Héma-Québec et Santé-Canada refusent de retirer l’homophobie latente de leurs règlements.
Alors en ce 17 mai, je pense à notre cheminement sur la route de l’égalité et les paroles d’une chanson de la comédie musicale Hairspray me viennent en tête : « I know we’ve come so far, but got so far to go! »