Gauche vs droite: Désaxer le centre 101
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** Ce texte sur les dérapages de la gauche vs droite est une collaboration de M. François-Olivier Loignon, enseignant au secondaire.**
Petit scénario typique que nous pouvons rencontrer quotidiennement de nos jours :
1. Une personnalité de droite présentera une affirmation radicale, provocatrice et peu nuancée.
2. La gauche, dans toute sa maladresse et ses hyperboles, dénoncera à grands cris.
3. La droite présentera la moindre critique comme une volonté de la censurer et de drapera de victimisation.
4. Le centre clamera vertueusement l’importance du dialogue et d’adopter une position du compromis en se présentant comme la voix de la sagesse.
Et c’est ainsi qu’on réussit à « droitiser » le centre politique depuis quelques années.
Avouez que certains noms ou certaines situations vous viennent en tête à la lecture de ce scénario. La polarisation gauche vs droite est de plus en plus clivante dans le monde.
(Avant de m’avancer plus loin dans cette analyse personnelle, je tiens à être transparent : je suis quelqu’un qui adhère à l’idéologie de gauche et cette chronique est purement le fruit d’observations personnelles. Je ne crois pas détenir la vérité absolue et cette analyse m’est personnelle. Toutefois, si elle permet une certaine discussion sur la situation, j’en serai des plus heureux.)
On peut trouver plusieurs exemples dans notre histoire récente.
Permettez-moi d’en présenter trois.
Tout d’abord, le cas Donald Trump.
Je crois qu’il est un des exemples les plus flagrant de cette tendance. Non seulement par sa façon de présenter la moindre critique de ses décisions par une attaque socialiste/communiste/radicale/etc., mais par des déclarations comme lorsqu’il a défendu les néo-nazis de Charleston en disant qu’il y avait de mauvais éléments « des deux côtés ».
Et les idiots utiles de cette tendance à vouloir « both sider » chaque débat?
Les grands médias qui, par volonté de se draper dans l’impartialité ou simplement par avidité de cotes d’écoutes, donnent autant de plateforme (et de crédibilité) à des idées aussi dangereuses sous le prétexte qu’il faut présenter les deux côtés de la médaille.
Le danger est qu’en mettant des idées comme l’emprisonnement d’enfants immigrants sur le même pied d’égalité que des positions adverses plus modérées, on vient crédibiliser ces idées.
Plus proche de nous, on retrouve la désormais célèbre intervention de Guillaume Lemay-Thivierge qui clame qu’on ne peut plus discuter au Québec (interrompant une discussion au passage).
Aussi pieuse que cette déclaration ait pu être, son contexte la rend saugrenue : elle servait à défendre Éric Duhaime. Duhaime, le polémiste même qui nuit au débat sain au Québec avec des théories du complot, un argumentaire toxique et une mentalité de « mieux vaut de la mauvaise information que pas d’information pantoute ».
Doit-on permettre à Éric Duhaime de s’exprimer?
Bien sûr. Mais doit-on, par souci de vouloir se draper dans l’impartialité, lui donner autant de crédibilité que tout position adverse et dénoncer de censure toute critique le visant?
Bien sûr que non.
Pour paraphraser Patton Oswalt, il est important d’entendre tous les points de vue, tout comme il est important de se réserver le droit de souligner leur illogisme et leur toxicité.
Enfin, le tweet de David Goudreault qui répondait aux critiques de son slam féministe en déclarant que « la nouvelle gauche est aux réseaux sociaux ce que la vieille droite est aux radios poubelles. »
Non seulement ce genre de déclaration vient complétement omettre les QAnon et les Cossette-Trudel de ce monde, mais ça vient justement créer le genre de fausses équivalences que je tente d’illustrer ici.
Est-ce qu’il y a des radicaux et de l’exagération dans cette nouvelle gauche woke?
Bien évidemment et il serait malhonnête de le nier. Mais mettre ces radicaux sur le même pied d’égalité qu’André Arthur et ses déclarations incendiaires? Que Fillion et son apologie de la dictature douce de Duterte?
Sans oublier Maurais qui fait des blagues sur la tête de porc devant le parquet de la CCIQ? Duhaime qui clame que les noirs n’ont pas de héros et que Bissonnette est un martyr? Bouchard qui clame qu’à 120km/h derrière le volant, la femme ne peut pas être l’égale de l’homme?Mailloux qui multiplie les commentaires misogynes, enrobant le tout d’une pseudo-crédibilité scientifique?
Si ces fausses équivalences n’étaient pas aussi insultantes et n’omettaient pas la différence de portée entre les radios poubelles et leurs détracteurs, on pourrait presque rire devant leur aspect saugrenu.
(Le lendemain de la publication de ce tweet, l’auteur s’est mis à jouer la victime des wokes… et à clamer que le célèbre texte de Facal était rempli de vérités).
Les exemples sont encore nombreux.
Il est donc important de pouvoir souligner cette tendance sophistique qui tend à droitiser le centre en voulant donner autant de crédibilité aux dérives de plus en plus à droite qu’à leurs critiques de gauche.
Est-ce que la gauche est indemne de propos radicaux et de dérives? Je ne crois pas avoir cette prétention. Malheureusement, contrairement à ce que voudraient nous faire croire les croisés anti-wokes de ce monde, la sphère médiatique laisse de plus en plus de place à ces dérives de droite.
Et par le fait-même, elle accorde de la crédibilité à tous ceux qui voudront se présenter comme la voix de la sagesse en se drapant dans l’impartialité et en tentant de « both sider » chaque débat, sans faire preuve de nuance ou de sens critique.