Liberté d’oppression: médias asociaux
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** Ce texte sur la liberté d’oppression et la toxicité des réseaux sociaux est une collaboration de M. François-Olivier Loignon, enseignant au secondaire et chef d’orchestre.**
Le 16 avril, l’initiative « Liberté d’oppression » était lancée par une poignée de personnalités politiques et publiques avec pour but de militer pour l’assainissement du climat médiatique au Québec.
Depuis, en plus de l’habituel déchirage de chemises de nos animateurs des radios de Québec, nous avons eu droit à une première page irrespectueuse remplie d’amalgames de la part du journal le plus lu au Québec concernant le variant « indien ».
Nous avons eu droit au « Camille-Laurin-gate » de la part des chroniqueurs du même journal basé sur des faussetés et monté en épingle à grands cris. Nous avons également eu droit à un député fédéral qui fait circuler la photo nue d’un autre député sans son consentement et sur laquelle se sont précipités nos médias.
Et surtout, nous avons eu droit à voir un polémiste toxique devenir chef d’un parti politique et être invité sur le plus grand plateau télé du Québec.
Ce même polémiste qui a clamé que « Mieux vaut de la mauvaise information que pas d’information pantoute. »
Un polémiste qui a clamé que les « noirs n’ont pas de héros » et qu’on devrait enlever le droit de vote au « BS ».
Ce polémiste qui dit qu’une tête de porc ensanglantée sur le parquet d’une mosquée est « une joke comme une autre », qui clame que Bissonnette est un martyr et qui remet en doute l’attentat de la mosquée de Québec.
Un polémiste qui vante une vision oligarchique de la société en souhaitant que 1$ d’impôt payé= un vote.
Difficile de faire plus toxique que ça, non?
Dans cet univers médiatique où un chroniqueur peut influencer un ministre à annuler la participation d’un expert comme Daniel Weinstock à un forum sur le cours d’ECR, il y a certainement des lacunes à combler dans la façon dont nos médias peuvent tout se permettre.
Il y a également place à réfléchir sur l’influence qu’ont certaines personnalités médiatiques qui multiplient les tribunes. Et il y a certainement place à repenser notre utilisation de ces médias, qu’ils soient traditionnels ou modernes.
À l’ère des médias sociaux, il est maintenant si facile pour n’importe qui de clamer ce que bon lui semble sur ses réseaux et voir une horde de convaincus se jeter sur quiconque s’oppose à leur propos.
Le cas Bock-Coté
J’en ai moi-même fait l’expérience : après une altercation virtuelle avec Mathieu Bock-Côté, celui-ci avait décidé de me bloquer pour ensuite publier une capture d’écran de notre discussion en invitant ses suiveux à « ne pas hésiter à remettre à leur place les ti-counes et les gosseux de ce genre. » S’en est suivi une journée complète d’attaques à ma personne, à ma famille, à mon emploi et même de messages privés homophobes.
Et ma nouvelle situation d’enseignant d’ECR m’amène toujours à me questionner sur ce genre de comportement :
Que ferions-nous si un élève utilisait indirectement son influence pour à s’acharner sur un autre élève?
Ou si un élève colportait de fausses rumeurs sur une autre élève dans le but de lui nuire?
Duhaime et Fillion
Que ferions-nous si un élève cherchait à obtenir une position influente dans sa classe ou dans l’école avec un discours aussi toxique que celui d’Éric Duhaime ou de Jeff Fillion?
N’importe lequel de ces cas donnerait de sérieux mots de tête à n’importe quel(le) enseignante, TES ou direction.
Alors pourquoi tolérons-nous ces actions dans nos médias? Pourquoi refusons-nous de légiférer sur ce qui peut être transmis et partagé par nos médias et leurs différents acteurs par peur de se faire accuser d’atteinte à la liberté d’expression? Pourquoi acceptons-nous cette espèce d’intimidation de la tribune la plus forte, aux dépens de sa rigueur et de son honnêteté intellectuelle.
Dans son excellent essai « La Brute et la punaise » (que je recommande chaudement à tous), Dominique Payette concluait en posant ces questions : « Les incitations à la haine peuvent-elles conduire des personnes instables à des actes criminels? […] Un discours qui entrave la poursuite d’un débat démocratique peut-il s’inscrire de plein droit dans la liberté de presse? »
Ces questions n’auraient pu être plus d’actualités. Alors en attendant qu’il pousse des dents au CRTC, souhaitons que l’initiative « Liberté d’oppression » aidera à alimenter ce débat pour lequel nous sommes dus depuis longtemps.
(Pour consulter et signer la déclaration de l’initiative « Liberté d’oppression » : https://www.libertedoppression.ca/)