L’histoire longue et insoupçonnée des duels au Québec
** Ce texte sur la fascinante histoire des duels au Québec est une collaboration de M. Félix Ouellet, étudiant en histoire. **
Image: Scène de duel peinte vers 1820. Source : CBC Newfoundland & Labrador: https://www.cbc.ca/news/canada/newfoundland-labrador/canadas-last-duel-was-in-newfoundland-1.4959608
En août 1848, deux hommes se retrouvent pour un duel sur la route de Chambly, à Montréal. Un ancien patriote veut sauver son honneur.
Il est accusé de désertion à la Bataille de Saint-Denis, survenue 11 ans plus tôt, par un journaliste et avocat du nom de Joseph Doutre.
Qui est cet ancien patriote ?
Nul autre que George-Étienne Cartier le père consacré de la Confédération de 1867, une figure mythique de l’histoire québécoise et canadienne. Peu de gens le savent, mais les duels étaient une véritable tradition au Québec, et ce, depuis la Nouvelle-France.
Au fil de l’épée, en Nouvelle-France
Les premiers duels connus en sol québécois sont racontés dans la correspondance du père Lallemant, dans la Relation des Jésuites.
Le duel agissait comme une façon de récupérer un honneur brisé, une manière d’accéder à la justice hors du circuit légal des tribunaux et des ententes devant le notaire. Une fois le duel terminé, peu importe l’issue, il était ainsi possible de rétablir son honneur.
Malgré leur aspect répandu, les duels étaient considérés comme un crime en Nouvelle-France.
En effet, la couronne française avait tenté de limiter la pratique par divers édits qui ne portèrent jamais réellement fruit. Lorsque les duels étaient dénoncés en justice, les deux adversaires recevaient le plus souvent une amende.
Donc, si un des deux participants était mortellement blessé, le participant survivant pouvait se voir poursuivre en justice pour homicide, impliquant des conséquences bien plus importantes.
Pourtant, de manière générale, la Loi, dans sa lettre, n’était pas respectée, comme le résume bien l’historien du Aegidius Fauteux dans son ouvrage Le duel au Canada (1934) :
« La loi écrite veut que le duel soit un meurtre, mais il y a aussi la loi non écrite qui veut qu’il ne soit pas puni. »
À bout portant, au Canada
Si la pratique du duel à l’épée telle que connue en Nouvelle-France disparait avec l’arrivée du pistolet, la notion de duel suit environ les mêmes contours, elle reste une question d’honneur.
Ainsi, une fois les coups de feu échangés, les deux hommes peuvent se féliciter d’avoir réglé la question de manière honorable, en bons gentlemen qu’ils sont.
Le duel est alors principalement l’affaire de la bourgeoisie et de l’aristocratie dont les membres le considèrent comme une marque d’honorabilité.
Vers 1770, le pistolet remplace de plus en plus l’épée dans le déroulement du duel. Des pistolets spécialement conçus pour l’occasion sont utilisés.
L’utilisation d’armes réservées aux duels permet de réduire les ambiguïtés quant à l’équité de la puissance des armes des belligérants.
À forces égales, les deux hommes peuvent réellement se confronter.
Quelques dualistes célèbres
Nombre de personnages historiques ont été convoqués, ont survécu ou ont été blessés lors de duels.
Ainsi, le fameux patriote Ludger Duvernay a participé à trois duels au cours de sa vie, ayant reçu une balle à la cuisse lors d’un de ces derniers.
John A. Macdonald a également été convoqué en duel le 15 février 1849 par William Hume Blake, un opposant du parti réformiste en Chambre.
Alors que beaucoup connaissent Macdonald et Cartier pour leur position de cofondateurs traditionnellement désignés de la Confédération canadienne, peu de gens savent qu’ils se sont tous deux adonnés à la pratique du duel.
Dans tous les cas, ces participations nous montrent bien comment les frasques d’hommes politiques datent…
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Également de ce collaborateur:
Sources :
Fauteux, Aegidius. Le duel au Canada. Montréal : Les éditions du Zodiaque, 1934.
Latendresse Letendre, Maxime. « Enjeux et représentations du duel dans quatre mémoires d’Ancien Régime » Mémoire de M.A., Université McGill, 2009.
Mathieu, Jean-François. « Le duel au Canada, pratique et discours, 1646-1888
» Mémoire de M.A., Université de Montréal, 2004.