Racisme systémique: lettre à M. Benoit Charette, le double ministre
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M. Charrette,
Je suis le premier à avoir été critique du choix de vous nommer double ministre, soit de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et Ministre responsable de la Lutte contre le racisme.
Je trouvais particulier que deux aussi gros dossiers soient entre les mains d’une seule personne.
Comme si on vous demandait d’être ministre à 50 % pour l’environnement et 50 % pour la lutte contre le racisme. Cela n’avait aucun sens dans ma tête.
Par contre, je dois aujourd’hui vous faire part de mon étonnement. Voire même de ma très grande surprise en tant que ministre de l’Environnement et des changements climatiques.
Mercredi dernier, vous avez fait ce que plusieurs croyaient impossible.
Je vous parle bien sûr de la décision de votre gouvernement de ne pas aller de l’avant dans le dossier GNL Québec. Je dois d’entrée de jeu m’avouer très satisfait par cette décision.
Et je ne suis vraiment pas le seul.
Nous étions des milliers, tout au long du trajet de 750 km de pipeline entre l’Abitibi et le Saguenay, à militer contre ce projet d’une autre époque.
Par contre, vous avez fait des mécontents avec cette décision. La communauté d’affaires et une partie de la population de région de Saguenay principalement.
C’est spécifiquement sur ce point que j’ai été le plus surpris de la décision de bloquer le projet.
Comme la CAQ est le « gouvernement de l’économie », plusieurs membres du cabinet caquiste s’étaient prononcés en faveur de ce méga projet industriel de 14 milliards de dollars.
Même le premier ministre s’était somme toute montré favorable au projet.
Tous les signes semblaient pointer vers la mise en œuvre de ce dinosaure énergétique.
On laissait miroiter des « jobs payantes », malgré le fait que l’entreprise GNL Québec/Énergie Saguenay avait des tonnes de difficultés à trouver du financement et des appuis à la réalisation du projet.
Dans un contexte où les changements climatiques sont de plus en plus visibles et lourds de conséquences, un tel projet aurait ajouté des millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère.
Mais ce n’est pas le cas.
Cela veut donc dire que vous, votre ministère et le premier ministre avez fait fi de cette pression politique. Pour rendre une vraie décision éclairée, vous avez basé votre rejet sur le rapport du BAPE, ainsi que sur l’avis des nombreux experts qui se sont prononcés négativement sur le projet.
Cela veut aussi dire que vous vous êtes mis des milliers d’électeurs à dos dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Cette décision politique aura sans doute des conséquences pour votre gouvernement.
Mais malgré tout, vous avez écouté la science, les experts et la population. Vous avez pris la BONNE DÉCISION.
Merci.
Ce qui m’amène maintenant à votre deuxième ministère, celui de responsable de la lutte au racisme.
Vous verrez un lien entre les 2…
Votre nomination avait fait grand bruit en avril dernier.
Plusieurs se demandaient comment le ministre déjà responsable de l’environnement, un dossier qui doit être une priorité, pouvait avoir du temps à accorder au dossier du racisme, qui lui est tout aussi important pour les communautés culturelles et les Premières nations.
Ces gens nous le disent depuis des années, voire des décennies, que le système québécois a des mécanismes qui favorisent la mise en place d’un racisme institutionnel. Que le racisme est monté dans un système qui défavorise une partie de la population du Québec.
Un racisme systémique, qui s’est manifesté à plusieurs reprises dans les dernières années.
Que ce soit dans le domaine de la santé, de l’emploi, du logement et de la justice, les exemples se multiplient dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Nous n’avons qu’à penser à la triste histoire de Joyce Echaquan, qui a souffert d’un racisme ancré dans le système de santé. Sans oublier plusieurs autres nouvelles qui touchent les Premières nations et leur rapport à la police.
On peut aussi penser à toute la situation du profilage racial de certaines ethnies « afro-centrées » par les corps de police de la province. Il n’est pas normal qu’un aussi grand déséquilibre de l’application de la loi et de la justice soit aussi évident et perceptible envers une catégorie spécifique de la population dans un endroit comme le Québec.
Sans oublier que les chiffres montrent qu’il est beaucoup plus difficile pour une personne issue des minorités culturelles de se trouver un emploi ou un logement dans la province. Les témoignages à ce sujet sont très nombreux.
Le racisme systémique ne veut pas dire que tous les Québécois sont racistes.
Ni que le gouvernement est raciste.
Il veut dire que notre système économique, politique et judiciaire inculque des biais et des préjugés inconscients ou non envers les gens n’ayant pas une descendance européenne. Le racisme systémique fait donc que ce ne sont pas tous les Québécois qui sont égaux.
Mais la beauté dans un système, peu importe sa situation, c’est que ça se change.
Par contre, pour changer quelque chose, il faut tout d’abord le reconnaitre. Il faut admettre qu’un racisme systémique existe dans la province.
Mais pourtant, en tant que ministre de la lutte contre le racisme, vous ne l’avez toujours pas fait.
Votre gouvernement non plus.
Pourtant, les preuves sont là.
Elles sont même accablantes.
Plusieurs organismes, politiciens, syndicats, personnalités publiques et groupes d’influences l’ont déjà reconnu.
Même le Collège des médecins et l’Ordre des infirmières l’on fait.
Ce qui m’amène à mon point le plus important de cette lettre.
En tant que ministre de l’Environnement et des changements climatiques, vous avez écouté les recommandations des experts pour refuser le projet de GNL Québec.
Maintenant, je vous demande de faire la même chose pour le racisme systémique. Écoutez les experts sur le sujet, et reconnaissez-le.
Plus vite l’abcès sera crevé, plus vite on pourra mettre en place de pistes de solutions afin que tous les Québécois, peu importe leurs origines, se sentent respectés et égaux au Québec.
Est-ce que ça risque de vous couter des votes aux prochaines élections ?
Sans doute.
Mais votre décision contre GNL Québec vous en fera perdre surement plus au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Et pourtant, vous avez pris la bonne décision.
Il faut voir plus loin que 2022.
Il faut voir plus loin pour le Québec.
Alors s’il vous plait, M. le ministre, maintenant que le dossier GNL Québec est derrière nous, occupez-vous de celui du racisme systémique.
Vous avez la chance de laisser un héritage politique positif et majeur pour les générations futures.
Ne la gaspillez pas !
– Jonathan St-Pierre, dit le Prof