Lettre à François Legault, notre Premier populiste
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** Ce texte, en réponse à la dernière publication du Premier ministre François Legault concernant la liberté académique, est une collaboration de M. François-Olivier Loignon, enseignant au secondaire en musique et chef d’orchestre.**
On entend beaucoup parler de liberté académique et de liberté d’expression ces temps-ci. Je pense notamment à l’histoire…
Publié par François Legault sur Samedi 13 février 2021
Bonjour M. Legault,
La semaine dernière, j’ai pris la peine de répondre à votre ministre de l’éducation suite à sa publication où il cherchait à se dépeindre comme un homme ordinaire. Puisque votre parti semble sur une belle lancée de publications dignes des influenceurs, laissez-moi poursuivre la mienne en répondant à votre dernière publication concernant la liberté académique.
Je n’ai pas l’intention de nier ici qu’il y ait des excès chez certains militants dans les universités. L’actualité des derniers mois saurait me démentir assez rapidement.
De plus, n’étant pas impliqué directement dans ces dossiers, j’ai appris à faire l’inverse de ce que plusieurs chroniqueurs semblent faire lorsqu’ils ne maîtrisent pas un sujet : me taire et écouter les intervenants.
C’est à mon avis la position que vous et votre gouvernement auriez dû adopter.
Laissez le monde académique régler le problème par eux même en cherchant eux-mêmes les solutions.
Malgré l’image d’homme fort que vous semblez rechercher par cette publication, je crois ne pas avoir à souligner les dangers de laisser l’État s’ingérer dans les orientations d’une université. De toute façon, d’autres le feront sûrement bien mieux que moi.
Ce qui vient particulièrement me chercher, c’est le populisme malhonnête que cache cette publication qui, à mon avis, est un ramassis de raisonnement malhonnête et fallacieux.
Tout d’abord, parlons de l’homme de paille que vous construisez en présentant les militants comme des radicaux. Bien sûr, il est facile pour vous de poser en vertueux en présentant ceux que vous voulez pourfendre de la sorte.
Il serait sordide de vouloir vous contredire quand vous vous opposez à ces extrémistes qui intimident. Qui s’opposerait aux cas démesurés que vous nous présentez, en omettant soigneusement de mentionner le contexte?
Pourtant, le problème est qu’ils ne sont pas si radicaux que ça. Oui, ils remettent en doute le statu quo et nous forcent à se remettre en question. Clairement, certaines demandes sont déstabilisantes (et certaines sont même exagérées).
Oui, certains moyens de dénonciation utilisés sont maladroits et plus ou moins appropriés. Mais en rassemblant tout ça sous l’épithète de « radicaux », vous jouez la carte de la démonisation, comme l’a fait Jean Charest avant vous en 2012. Et ça, ce n’est pas vraiment digne de « notre » premier ministre.
Ensuite, vous parlez d’un débat venu des États-Unis qui ne nous ressemble pas. Vraiment? Dois-je vous rappeler, comme l’a si bien fait Gabriel Nadeau-Dubois ce mardi, votre admiration pour la conception américaine de l’université? Ou la fois où vous étiez parfaitement à l’aise d’être comparé à Trump?
Ou encore votre déni du racisme systémique, qui s’apparente drôlement au déni au sud de la frontière. Sans vouloir vous offenser, vous n’avez aucune crédibilité pour dénoncer une « américanisation » du débat.
Mais là où votre crédibilité semble être encore moindre, c’est lorsque vous criez à la censure.
C’est votre gouvernement qui avez utilisé bâillon après bâillon pour limiter les débats à l’Assemblée Nationale depuis deux ans.
C’est vous le premier ministre qui s’en est pris directement à un journaliste qui remettait en question votre gestion de la pandémie. Vous êtes le gouvernement qui avez censuré Daniel Weinstock suite à une chronique mensongère de Richard Martineau et qui continuez de maintenir cette censure.
Vous êtes le gouvernement qui a tout fait pour éviter de publier les avis de la santé publique et qui refuse une enquête sur votre gestion de la pandémie.
C’est votre gouvernement qui a essayé de nous enfoncer le projet de loi 61 aux tendances autoritaires.
C’est votre gouvernement qui accusez toute critique de l’opposition de « semer la division ». Vous êtes le premier ministre qui déchire sa chemise devant tout semblant d’ingérence du fédéral, mais qui tente de discréditer la nomination d’une élue municipale qui n’adhère pas à votre idéologie politique.
Et si on peut pousser la comparaison un peu plus loin, vous êtes le gouvernement qui interdit à des enseignants de porter un voile parce que ça froisserait la sensibilité laïque de certaines personnes. Alors lorsque vous criez à la censure, de qui vous moquez-vous?
Enfin, vous ajoutez l’insulte à l’injure lorsque vous dites vouloir défendre les victimes de racisme pour justifier ce cri à la censure.
Celui, qui refuse toujours de reconnaître le racisme systémique.
Le chef d’État qui critique la nomination d’une commissaire au racisme par idéologie. Dont le gouvernement était prêt à jeter 18 000 dossiers d’immigration aux oubliettes.
Comme je disais à votre ministre de l’éducation, ce sont nos actions qui nous définissent. Pas nos paroles, aussi vertueuses veut-on les laisser paraître.
Et, malheureusement pour vous, vos actions des deux dernières années vous enlèvent toute crédibilité pour discuter de censure. Alors, par simple souci de cohérence, laissez ce débat aux concernés et restez sur la touche pour celui-ci.
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