Philippe Hamel
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Un curieux dentiste : Le docteur Philippe Hamel et sa quête pour la nationalisation de l’hydroélectricité

** Ce texte sur le docteur Philippe Hamel et la nationalisation de l’électricité est une collaboration de M. Félix Ouellet, étudiant en histoire. **

Source de la photo : http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/photos/3177.html

René Lévesque occupe la place centrale dans l’idée que nous nous faisons de la nationalisation de l’hydro-électricité au Québec, d’autant plus que son héritage est largement discuté dans le contexte du centième anniversaire de sa naissance, en 2022.

Pourtant, l’ancien premier ministre était loin d’être le premier à avoir réfléchi à l’idée ! Bien avant lui, un dentiste du nom de Philippe Hamel fit des pieds et des mains pour faire naître le projet.

Regard sur un personnage oublié.

Né en 1884 à Québec, Philippe Hamel est issu de la petite bourgeoisie de la vieille capitale. Son père, Auguste Hamel, est médecin et professeur de médecine à l’Université Laval. Étudiant doué, le jeune Hamel effectua des études en médecine dentaire à l’Université Laval, puis à la prestigieuse Université de la Pennsylvanie, fait rare pour l’époque.

De retour dans son patelin, le docteur ouvrit un cabinet de dentisterie dans le Vieux-Québec pour y exercer sa fonction tout en participant activement à la vie politique et sociale de la ville. Épris de justice sociale, il ouvrit quelques cliniques de dentisterie populaire dans divers locaux de la ville, jusqu’à l’hôtel de ville.

La vie du bon docteur prit un tournant inattendu dans un moment d’une grande banalité : en épluchant sa facture d’électricité !

En effet, c’est en comparant les tarifs des différentes villes nord-américaines il eut l’initiative d’écrire à la Quebec Power, compagnie détenant le monopole de la production d’électricité à Québec, pour se plaindre de la nature salée des factures.

Rapidement, la volonté d’économiser d’Hamel se transporta sur la place publique, alors qu’il entreprit de publier une lettre publique dénonçant l’entreprise et ses pratiques intitulées « Prix de l’électricité au Québec et ailleurs ».

Le prix de l’énergie comme combat.

Le bruit que fit la lettre forçat la mise sur pied d’une commission municipale portant sur les tarifs électriques afin de répondre aux pressions exercées par le dentiste et ses alliés. Hamel, qui était devenu un expert incontournable sur la question de l’électricité, non pas seulement au Québec, mais à travers toute l’Amérique du Nord a été appelé à siéger sur la commission.

Depuis déjà de nombreux mois, il épluchait des rapports de commissions américaines sur la question et dénonçait de plus en plus vivement les trusts. Nécessairement, l’administration municipal le nomma donc commissaire.

Bien que le rapport de la commission conclût à la nécessité de municipaliser le réseau électrique et qu’il fut adopté, le contrat avec la Quebec Power fut reconduit. À ce point, l’impact de l’action publique d’Hamel avait permis un rayonnement provincial de la nécessité de nationaliser l’hydro-électricité québécoise.

Devant la pression exercée par le docteur et ses alliés, le gouvernement Taschereau établit, à nouveau, une commission sur la « question hydro-électrique ».

Présidée par le futur ministre de la Justice, Ernest Lapointe, la commission reçut un mémoire de la plume d’Hamel, intitulé « Le trust de l’électricité, Agent de corruption et de domination, Centre de la dictature économique. » Parcouru de statistiques et de formules acerbes, le mémoire eut son effet, mais les dés étaient pipés puisque la commission n’avait pas de réels pouvoirs.

La solution qui s’imposait maintenant pour le docteur était l’entrée en politique active. Il joignit un groupe de libéraux nationalistes et dissidents aux idées réformatrices, l’Action Libérale Nationale en 1934. Il se présenta à la législature en 1935, remportant la circonscription de Québec-Centre.

Une alliance avec Duplessis.

Fort d’une alliance avec un certain Maurice Duplessis et son parti conservateur, le gouvernement Taschereau fut ébranlé lors de l’élection de 1935 et tomba finalement en 1936, alors que l’Union Nationale, née de la fusion des deux partis remporta la majorité.

Dans le sillon de la victoire, Hamel ne se fit offrir que la présidence de l’Assemblée par Duplessis qui, une fois premier ministre, n’avait pas l’intention de le nommer ministre, visiblement sous l’influence des compagnies d’électricité privées. La suite de la carrière publique d’Hamel fut plus timorée, mais non moins intéressante.

Il quitta l’Union Nationale et fonda le Parti National, qui ne remporta pas un grand succès. La suite de sa vie fut consacrée à la défense de l’idée de nationalisation, en plus de publier d’autres ouvrages dans le domaine médical tel que La Carie dentaire, ses causes, ses préventions (1945) ou publique La canalisation du Saint-Laurent (1940).

Un bâtisseur du Québec moderne.

Personnage peu connu de l’histoire québécoise, Hamel sera pourtant mentionné par René Lévesque dans Option Québec parmi des figures bien plus connues que lui : « Louis Riel avec Honoré Mercier, Bourassa, Philippe Hamel, Garneau avec Édouard Montpetit et Asselin et Lionel Groulx…

Pour tous, le moteur principal de l’action a été la volonté de continuer et l’espoir tenace de pouvoir démontrer que ça en valait la peine. » Implicitement, le docteur y retrouva un peu sa juste place.  

Félix Ouellet, Étudiant en histoire

Sources :

Chaloult, René. « Le Docteur Philippe Hamel ». L’œuvre des tracts 407, (1954) : 1 – 16.

Hamel, Philippe. Le trust de l’électricité, Agent de corruption et de domination, Centre de

la dictature économique. Québec, (1934) 

Lévesque, René. Option Québec. Montréal : Les éditions de l’homme, 1968.

Berthelot, Pierre B. Duplessis est encore en vie. Québec : Septentrion, 2021.

Dirks, Patricia. The Failure of l’Action Libérale Nationale. Montréal & Kingston : McGill –

Queen’s University Press, 1991.

Dumas, Alexandre. Les quatre mousquetaires de Québec. Québec : Septentrion, 2021.

Lapointe, Richard. « La politique au service d’une conviction, Philippe Hamel : deux décennies d’action politique » Mémoire de M.A., Université Laval, 1987.

Dirks, Patricia. « Dr. Philippe Hamel and the Public Power Movement in Quebec City, 1929-1934:

The Failure of a Crusade ». Revue d’histoire urbaine 10, 1 (1981) : 17 – 29. https://doi.org/10.7202/1019153ar.

Dumas, Alexandre. « L’action libérale nationale et l’Union Nationale : Le renouveau de la

politique des années 1930 ». Cap-aux-diamants 144, (2021) : 9 – 13. https://id.erudit.org/iderudit/95912ac.

Faucher, Albert. « La question de l’électricité au Québec durant les années trente ». L’Actualité économique 68, 3 (1992) : 415 – 432. https://doi.org/10.7202/602074ar.

Giguère, William. « Les influences transnationales sur la nationalisation de l’électricité au Québec (1934-1963) ». Bulletin d’histoire politique 27, 1 (2018) : 93 – 111. https://doi.org/10.7202/1054073ar.

Assemblée Nationale du Québec. « Philippe Hamel ». mai, 2016.

http://www.assnat.qc.ca/fr/deputes/hamel-philippe-3583/biographie.html.

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