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Félix et la fierté québécoise

Ce texte sur la les résultats sportifs et la situation fiscale de Félix Auger-Alliassime est une collaboration de M. François-Olivier Loignon, enseignant au secondaire.**

En janvier 2011, le comédien américain Bill Maher, de passage à l’émission de Jay Leno, y était allé d’une longue tirade sur comment la gauche devrait se réapproprier le concept de « patriotisme ».[1] Parmi les gestes à considérer comme patriotique qu’il a énumérés, on retrouvait « assurer une assurance-santé gratuite pour tous », « sortir nos soldats de conflits inutiles », « bannir les armes d’assaut » et… « payer des impôts ».

Bien sûr, on peut se targuer que le Canada a un meilleur bilan pour les trois premiers éléments nommés. Par contre, c’est le dernier qui m’a interpellé. Sans être un masochiste qui célèbre le temps des impôts chaque année, je suis porté à être d’accord avec lui. Selon le Petit Robert le patriotisme est : « l’amour de la patrie ; désir, volonté de se dévouer, de se sacrifier pour la défendre. »

Alors quelle meilleure de façon d’illustrer son amour de sa nation que de contribuer à financer ses services publics? Quel plus grand acte de dévotion que de sacrifier une partie de son revenu pour améliorer la société dont laquelle on évolue? Quelle façon plus juste de contribuer à son développement en lui donnant les moyens de veiller aux besoins de la population à la hauteur de ses capacités?

On peut en venir à la conclusion que, sans être fan de sacrifier une partie de son revenu durement gagné, payer ses impôts relève du patriotisme.

Pourquoi cette réflexion?

            Depuis une semaine, la sphère publique et les réseaux sociaux ne tarissent plus d’éloges pour Félix Auger-Aliassime, suite à sa victoire à Rotterdam. On souligne l’exploit (qui en est bien un) à coups d’éloges et de « fierté québécoise ». Vraiment?

            Pourtant, on apprenait dans un article de La Presse en 2019 que, à l’instar des grands noms du monde du tennis, notre athlète québécois a élu sa résidence fiscale à Monaco, paradis fiscal n’ayant pas d’impôt sur le revenu.[2] C’est la raison pour laquelle, sans rien n’avoir contre l’individu, j’ai énormément de mal à éprouver de la fierté pour les exploits de Félix Auger-Aliassime.

            Quand tu as grandi en profitant de la générosité de la société québécoise et que celle-ci t’a permis de te développer et t’atteindre le succès dont tu jouis aujourd’hui, il est normal de s’attendre à ce que tu contribues à améliorer cette société. Voir des athlètes comme Auger-Aliassime éviter l’impôt sur le revenu de la sorte, c’est envoyer un message assez insidieux : si les largesses de la société québécoise vous ont suffisamment permis de faire fortune, vous n’avez pas à contribuer à cette société en retour.

Les autres, tant pis pour vous!

            Je suis conscient du travail et de la détermination acharnée dont Félix a dû faire preuve pour atteindre ce niveau. Mais ce travail et cette détermination sont-ils moindres chez un agriculteur qui se lève avant le soleil et se couche après lui pour remplir notre garde-manger?

Sont-ils moindres chez une infirmière qui croule sous le temps supplémentaire? Chez un enseignant qui voit ses conditions de travail se dégrader d’année en année? Sont-ils moindres chez un propriétaire de PME qui lutte chaque mois pour la survie de son entreprise?

Et pourtant, ces gens paient des impôts sur leur revenu parce qu’ils n’ont pas le loisir de déménager leur résidence fiscale à Monaco.

Il y a donc quelque chose d’indécent d’encenser ces athlètes qui ont profité des largesses de la société québécoise pour ensuite refuser d’y contribuer. Il y a quelque chose d’encore plus indécent de voir des politiciens qui se font les chantres de la « fierté québécoise » d’encenser un individu qui a décidé que sa fierté québécoise ne vaut pas la peine d’investir dans cette société qui a investi en lui et qui l’a encensé.

Alors, bien que je salue les exploits de Félix Auger-Aliassime, je n’éprouve aucune fierté pour les exploits de quelqu’un qui ne fait que la recevoir sans la nourrir.

 -François-Olivier Loignon, enseignant au secondaire.


[1] https://www.youtube.com/watch?v=O2ducleoEXU

[2] https://www.lapresse.ca/sports/tennis/201902/19/01-5215270-felix-auger-aliassime-demenage-dans-un-paradis-fiscal.php

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