Une pandémie de décrochage scolaire à prévoir ?
C’est comme une impression de déjà-vu. Avec l’augmentation du nombre de cas, d’hospitalisations et de décès causés par la Covid-19, je crois qu’il est facile d’affirmer que la stratégie du gouvernement de « fermer le Québec » pendant 2 semaines a été un échec.
On pourrait passer des heures à trouver des coupables de cet échec. Vous en avez surement en tête. Par contre je vais laisser aux autres le plaisir d’analyser et de juger cet échec. Je préfère plutôt parler d’un sujet que je maîtrise mieux !
Mais par contre on peut tout de même supposer qu’une proportion importante de Québécois n’ont pas respecté les consignes demandées dans le « contrat social » du premier ministre. Les conséquences vont être importantes.
Le retour du confinement strict
C’est donc dans ce contexte, à moins d’une surprise majeure, que la situation que plusieurs craignaient va se reproduire. Le gouvernement de François Legault annoncera sans doute mercredi un nouveau plan de confinement pour les prochaines semaines dans la province.
Les détails de ce confinement sont toujours à déterminer, mais il y a fort à parier qu’il devrait également toucher le monde de l’éducation. En fait, il se doit de toucher le monde de l’Éducation.
Mon but ici n’est pas d’argumenter sur le pour et le contre d’une telle mesure. La situation semble hors de contrôle dans plusieurs régions du Québec. Je vais laisser la santé publique et le gouvernement faire leur travail.
Je veux surtout attirer votre attention sur la façon dont sera fait ce confinement, principalement pour les élèves du secondaire. Il ne faut pas oublier que nos adolescents ne l’ont pas eu facile dans la dernière année.
Petit retour en arrière
D’abord oubliés par le ministre Roberge au printemps dernier, plusieurs d’entre eux ont pris l’initiative de s’aventurer sur le marché du travail pour compenser l’absence de cours à distance pour eux. C’était sans doute mieux que de rester à la maison et attendre qu’il se passe quelque chose.
Plusieurs jeunes ont donc, avec raison, pris le gout à la paie et au marché du travail. Regardez autour de vous, la très grande majorité des jeunes de secondaire 3-4-5 travaillent déjà plusieurs heures par semaine.
Une très grande partie des élèves du secondaire ont eu de la difficulté à retourner sur les bancs d’école en septembre. Après plus de 6 mois sans école, ils avaient une nouvelle routine de vie se rapprochant beaucoup à celle d’un adulte. Et certains y ont pris goût, surtout nos élèves les plus vulnérables.
Pourquoi retourner à l’école quand on travaille déjà et qu’on reçoit assez d’argent pour consommer et acheter ce dont on a besoin ? Cette question m’a été posée par un élève en début d’année. Et il reflète bien la pensée de plusieurs autres jeunes j’en suis convaincu.
Plusieurs sont donc revenu à l’école à reculons, pour ne pas dire forcé. La motivation n’y était pas, et ce n’est pas la première étape qui va l’avoir fait réapparaitre. Encore moins en école à distance.
Nous avons aussi constaté une augmentation importante du taux d’échecs au Québec. Selon certaines sources, il serait de plus de 30 %.
Une pandémie de décrochage scolaire à prévoir ?
Le retour d’un confinement strict dans les prochains jours risque donc de déclencher une nouvelle pandémie, celle du décrochage scolaire. Les jeunes de plus de 16 ans qui sont en situation d’échec, ou en grandes difficultés, risquent d’écoper beaucoup dans cette situation.
Ils seront donc confrontés à un choix, celui de continuer l’école en ligne en étant hyper démotivés, ou de retourner sur le marché du travail comme lors du premier confinement. Le tout pourrait avoir des conséquences désastreuses à long terme.
Plusieurs de mes élèves m’en ont déjà parlé, si nous étions obligés de revenir en enseignement à distance en janvier, qu’ils ne reviendraient tout simplement pas. Le tout est très alarmant.
Comment réagir à cette situation ?
Vos réponses à cette question sont sans doute aussi bonnes que la mienne. Mais je veux quand même prendre le temps de faire quelques suggestions. Pour garder nos jeunes en classe malgré le confinement, il faudra leur montrer de façon claire que l’on est là pour eux et pour leur réussite.
Le développement et la solidification du lien sont donc plus importants que les savoirs à apprendre en revenant en janvier. Ce sera la meilleure façon de s’assurer qu’ils restent avec nous le temps que durera le confinement. Une situation exceptionnelle demande des actions exceptionnelles.
Je ne dis pas que les contenus disciplinaires ne sont pas importants, mais il faut que les savoirs essentiels soient bien définis. Ainsi, ça laisse plus de temps à l’enseignant pour travailler sur le lien prof/élève, ainsi que sur la motivation générale des jeunes qui sont devant lui sur Teams, Zoom ou autres.
Le ministre doit agir contre le risque de décrochage scolaire
Mais pour que le tout soit possible, ça veut aussi dire que des décisions devront être prises en ce sens par le ministre Roberge. La première décision qui doit être annoncée : annuler tous les examens de fin d’année. Il s’agit d’un stress très important pour plusieurs élèves.
Surtout que ce type d’évaluation standardisé n’aide pas à l’apprentissage. En annulant tous ces examens, on diminue l’anxiété et on laisse l’enseignant user de son jugement professionnel pour faire l’évaluation finale de ses élèves à la fin de l’année.
Nous sommes des professionnels, pas besoin d’un examen universel pour l’effectuer notre jugement sur nos élèves. On les connait…
Une autre solution ? Organiser leur horaire d’enseignement à distance pour leur permettre de travailler quelques heures. Ainsi, on risque de gagner certains élèves qui sont encore en réussite, mais qui se sentent démotivés par la situation.
Finalement, je crois que la meilleure chose à faire serait de les écouter. Écouter nos élèves, vos ados, pour voir comment ils se sentent. Ce dont ils ont besoin pour réussir. Ce qui les effraient et comment on peut les aider à surmonter ces peurs. Ça pourrait en dire long sur les raisons qui les poussent au décrochage scolaire.
Des solutions possibles existent
Les décisions sont souvent prises dans un bureau de Québec, à des années-lumière de la réalité des jeunes sur le terrain. Pour une fois M. le ministre Roberge, allez prendre le vrai pouls du milieu.
Vous avez des milliers d’employés qui n’attendent qu’à aider en proposant des solutions réalistes et surtout applicables dans la réalité du moment.
Allez-y. Surprenez-nous tous. Proposez-nous un plan qui prend en considération les aspects soulevés dans ce texte. Faites-le pour les milliers de jeunes qui seront les adultes de demain. Les futurs citoyens payeurs de taxes.
Ils ont droit qu’on leur donne les moyens pour passer à travers cette pandémie et reçoivent leurs diplômes comme les élèves avant eux.
M. Roberge, je vous mets au défi…
Jonathan « Le prof » St-Pierre
Enseignant en secondaire V et conseiller pédagogique
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