Pour en finir avec la « méchante » flute à bec
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** Ce texte sur la flute à bec est une collaboration de M. François-Olivier Loignon, enseignant au secondaire et chef d’orchestre.**
Il y a deux semaines, mon texte portait sur la musique qui se fait couper pour une multitude de raisons. Parmi les réponses que j’ai reçues, j’ai lu avec amusement le traditionnel : « ouin, mais si au moins ils enseignaient autre chose que la flute à bec ».
Avant de me porter à la défense de cet instrument mal-aimé, laissez-moi vous souligner que l’enseignement de la musique évolue constamment au fil des années. Rares sont les écoles qui se limitent encore aujourd’hui au combo flute/xylophones/chant. Le ukulélé est maintenant bien établi dans plusieurs écoles.
D’autres écoles adoptent aussi des instruments de « band » comme la batterie (acoustique ou électronique), la basse électrique et la guitare électrique. Certaines écoles ont même eu la chance d’investir dans des locaux de pianos électroniques!
Alors, la flute à bec?
Mais revenons à la flûte à bec, qui pour plusieurs semble être le synonyme d’instrument de torture. Laissez-moi vous énumérer ici six raisons pour lesquelles on doit continuer et favoriser son enseignement :
1) La flute, c’est un des instruments les plus faciles physiquement pour les enfants (surtout pour les petites mains). De plus, ça leur apprend non seulement la coordination des deux mains, mais aussi celle du souffle et du reste du corps (aptitude pratique aux autres instruments à vents et aux sports).
2) La flute, c’est aussi le tremplin parfait pour tous les instruments à vents qui apparaissent au secondaire. En plus de la coordination des mains et du souffle, le jeune apprend à faire une connexion physique entre ses doigts et la note graphique. Aussi, les doigtés de base de la flute sont littéralement les mêmes qu’au saxophone et s’apparentent à ceux de la clarinette et de la flûte traversière, facilitant ainsi le transfert.
3) La flute à bec est l’instrument le plus économique. Vous comprendrez que, pour différentes raisons, il est difficile de demander aux parents de débourser pour le cours de musique et que, bien souvent, ce n’est pas la priorité.
Une flute à bec coûte en moyenne entre 3 et 10$, alors qu’un ukulélé coûte environ 35$ et le prix des autres instruments va en montant.
4) Enseigner la flute en bec en groupe permet de développer plusieurs compétences du jeu d’ensemble comme l’écoute des autres, l’importance du rôle de chacun dans un ensemble ainsi que beaucoup de compétences sociales qui sont transférables dans la vie de tous les jours.
5) La petite taille de la flute (et son moindre coût) permet à votre enfant de l’apporter à la maison pour pratiquer. En plus de travailler sa discipline et son autonomie, ça lui permet de s’améliorer entre les cours et de développer ses compétences musicales.
6) Une fois que l’enfant a bien maîtrisé la flute soprano, il est possible de transférer facilement à la flute alto (et même à la flute ténor) qui non seulement vont enrichir le timbre de la musique jouée, renforcer les compétences de jeu d’ensemble et développer le contrôle de la respiration, mais qui sera aussi plus grave et moins strident.
Maintenant, quelques conseils aux parents :
1) Comme tout produit, il y a plusieurs qualités et modèles de flute. Breaking news pour les parents qui haïssent la flute à bec et achètent une flute cheap (1$ à 3$, possibilité de couleurs fluos en plus) pour cette raison : ça va sonner le yâble! Sans acheter une flûte à 100$, plusieurs compagnies font des modèles standards à environ 10$.
2) Comme toute technologie, la flute évolue. Il existe aujourd’hui des sourdines à flute au coût de quelques dollars qui, une fois dans le trou de la flute, coupent la moitié du son et permet de pratiquer sans alerter le voisinage.
3) Tout est une question d’attitude. Si vous faites preuve de fermeture d’esprit dès le départ, que vous dénigrez la flute dès que votre enfant commence à souffler dedans et que vous en empêchez la pratique à la maison parce que ça vous déplaît personnellement, votre enfant sera influencé par votre attitude et ça risque de tuer sa motivation.
Apprendre un instrument de musique, ça prend de la patience, de la persévérance, du travail et de la passion.
Mais surtout, ça prend de l’encouragement.
Et la meilleure source d’encouragement d’un élève, c’est ses parents. Les parents qui savent que le son “pas ben ben beau” est un passage obligé dans l’apprentissage d’un instrument, mais que ça va s’améliorer.
Les parents qui savent que ce n’est pas juste du bruit qui dérange, mais un enfant qui apprend à s’exprimer et travaille sa créativité. Et je vous confirme qu’aucun instrument n’émet un beau son lorsqu’il est joué par un débutant.
Par contre, votre attitude envers la flute à bec (et la musique en général) peut avoir un impact majeur sur l’apprentissage de votre enfant. Si vous adoptez une attitude fermée et négative envers l’instrument, vous ne coupez pas seulement votre enfant d’une matière qu’il peut aimer. Vous fermez une porte que son enseignant s’efforce à ouvrir.
Il sera coupé de tous les bienfaits qu’apporte l’apprentissage de la musique.
Vous le coupez d’explorer son expressivité.
Vous le coupez de découvrir une partie de lui-même qu’il aimerait peut-être bien. Il sera coupé de découvrir un potentiel (non pas que ce sont tous des Mozart, mais vous ne le saurez jamais si vous dénigrez la pratique instrumentale).
Enfin, faites confiance à votre enseignant de musique.
Comprenez également qu’avec deux périodes par cycle, un budget très limité et une précarité qui les empêche de construire quelque chose à long terme, beaucoup font des miracles avec les enfants, même à la flute à bec. Et malheureusement pour les détracteurs de l’instruments, les enseignants n’enseignent pas pour votre confort, mais pour le développement de votre enfant.
Alors faites-leur confiance et laissez-les utiliser les outils pour enseigner qu’ils croient être les meilleurs. Même s’il s’agit de la flute à bec.
Plutôt que d’haïr cet instrument, pourquoi ne pas vous en procurez une deuxième et pratiquer avec votre enfant? Vous pourriez développer vos propres compétences musicales, créer un lien précieux avec votre enfant… et peut-être même y prendre goût!
-François-Olivier Loignon, enseignant en musique et chef d’orchestre