La « guerre sainte » de Vladimir Poutine et Kirill II en Ukraine
** Ce texte est une collaboration de M. Patrick Loisel, enseignant en histoire et spécialiste des théories du complot. Il est également chanteur du groupe de musique métal Augury **
L’agression en Ukraine est en grande partie une guerre culturelle motivée par l’intolérance. C’est de loin l’aspect le plus négligé par les médias et pourtant le plus inquiétant…
Ses supporteurs les plus virulents, la plupart des fanatiques religieux, qualifient ouvertement les Ukrainiens de peuple décadent à éliminer. L’oligarque Konstantin Malofeyev parle d’une « guerre sainte contre le Paganisme. »
Pour aller plus dans le détail, l’Archevêque Carlo Vignano du Vatican blâme leur virage vers l’égalité des sexes, l’avortement et les énergies vertes. Il pointe leur récente tolérance envers l’homosexualité comme étant la motivation première de l’attaque.
Le cas de l’église orthodoxe russe
Et le patriarche orthodoxe Kirill 2, lui, a pointé l’autorisation de parades de la Fierté gaie en Ukraine comme étant l’élément déclencheur. (En passant, ces individus semblent bien peu se soucier des atrocités commises en 2014 contre les minorités russophones ukrainiennes par des milices néo-nazies locales.)
Cette constatation est étayée par plein de témoignages de membres de la diaspora des deux pays impliqués. Et bien sûr, les tristes sires cités plus haut reçoivent le soutien féroce d’une nébuleuse de fanatiques dans le Bible Belt ou dans son équivalent de tous pays.
C’est inquiétant, car ces gens tiennent un discours similaire envers les populations à leur portée, dont ils réprouvent le mode de vie et plusieurs caressent (et préparent) des objectifs violents.
« C’est comme si le Texas déclarait la guerre à la Californie ! »
– Nathalie Petrowski, 26 février 2022 à 95,1
Ceci dit, l’Ukraine n’est qu’un cas parmi tant d’autres.
L’histoire regorge de groupes rigoristes ayant fait de grands détours pour aller « corriger » un voisin jugé trop libéral et permissif. Les divers textes religieux en regorgent.
Et, le plus souvent, ce genre d’hostilité suit le même modèle et débute à l’interne : Par exemple, dans les années 30 les Nazis ont fait table rase de l’art « décadent »/du multiculturalisme/des mœurs sexuelles non traditionnelles, etc. héritées de la décennie précédente à l’intérieur de leurs frontières avant d’aller « faire le ménage “chez leurs voisins.
Pétain leur a littéralement déroulé le tapis rouge, car il souhaitait voir appliquer ce processus réactionnaire chez lui. Je vous laisse deviner la suite, voire ‘Rafle des Indésirables’.
L’Allemagne des années 20.
Et on aurait pu connaître une Seconde Guerre bien différente dix ans plus tôt, car figurez-vous qu’en 1925, c’était Berlin qui était l’objet de la hargne des bourgeoisies conservatrices environnantes à cause de ses 40 clubs gays, de la présence de trans, et de modes de vie somme toute très similaires au notre.
Tout ce que les bigots jugent déviant aujourd’hui y existait… jusqu’en 1932 !!! (On y a vite interdit les unions interraciales, avant très fréquentes, et les tatouages !!!)
Autre exemple, la caste des samouraïs a attaqué le gouvernement japonais dans les années 1870 pour avoir étendu leurs privilèges au reste de la population et ouvert le pays aux cultures étrangères
Bien sûr, le gain matériel demeurera toujours une motivation première derrière les conquêtes modernes. Mais pour procéder, il faut déshumaniser la cible, se donner une justification pour pouvoir donner l’impression de faire justice.
Et on ne s’est jamais gêné d’utiliser leurs mœurs pour ce faire.
-Patrick Loisel, enseignant en histoire et spécialiste des théories du complot