Enseigner au Japon: La vie au pays du soleil levant
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Afin d’offrir une perspective différente sur le monde de l’Éducation et de l’enseignement, je vous propose une entrevue exclusive avec M. Jérémy Robert. Québécois d’origine, il a choisi de faire sa carrière comme enseignant au Japon. Visite au pays des contrastes et du soleil levant.
Jonathan: Jérémy, je vais commencer par la question que tout le monde se pose en ce moment. Mais comment un québécois se retrouve à être enseignant au Japon?
Mon intérêt pour le Japon est quand même né très jeune. Mario et cie., Pokémon, Digimon et Dragon Ball Z faisaient déjà partie de mon univers fantastique. Mais sans réellement savoir qu’elles étaient des productions japonaises à la base. J’avais tout de même un intérêt pour son histoire, notamment en jouant à Age of Empires II sur mon vieux Pentium 166 Mhz au primaire (ouf hein…).
J’étais l’enfant weird qui s’est retrouvé à dévorer un livre illustré sur le Japon féodal, les samouraïs et la période Edo au lieu de me garrocher sur le nouveau Harry Potter (circa 1998-1999 au Québec?). Il n’était jamais disponible de toute façon hahaha!
Néanmoins, mon intérêt plus sérieux d’aller visiter le Japon et par la suite y travailler s’est surtout développé vers 2018-2019, notamment grâce à des youtubers comme le Britannique Chris Broad (Abroad in Japan), ancien enseignant d’anglais et maintenant youtuber à temps plein.
C’est d’ailleurs sa perspective 1) d’enseignant là-bas et 2) sa position hors de Tokyo qui l’ont démarqué pour moi. L’ironie veut que j’aie atterri et travaillé dans la même préfecture que lui, à Miyagi dans la grande région nordique de Tohoku.
“J’espère le croiser un jour à Sendai! ”
David Jameson (Dave Trippin), un Canadien et aussi ancien enseignant m’a aussi séduit avec sa vision plus artistique et philosophique.
Ironiquement, c’est rendu ici que j’ai approfondi mon répertoire de « J-tubers » avec des créateurs de contenu francophone, notamment Louis (Louis-san) et Benoît Teveney (Tev – Ici Japon), collaborant également ensemble sur la chaîne Tev et Louis.
Ils présentent une gamme vraiment variée d’expériences et de perspectives, autant comiques et déjantées que personnelles et sérieuses.
De plus, étant un grand passionné de bouffe et de cuisine, le Japon donne de quoi rêver! Ma première expérience avec les ramen « authentiques » fut à Montréal en 2016 alors que j’y habitais.
Je peux dire que le resto était assez fidèle de ce qu’on peut manger ici! Dans ce cas-ci, ce sont des youtubers plus axés sur la nourriture et le voyage qui m’ont influencé, soit Mike Chen (Strictly Dumpling) et Thibaud Villanova (Gastronogeek) parmi les principaux.
“Depuis, j’ai rarement mangé deux fois les mêmes snacks hahaha!”
Finalement, c’est après des applications infructueuses pour être engagé comme prof d’histoire dans des cégeps durant l’été 2019 que mon plan B s’est activé : j’allais partir au Japon pour au moins 1 an!
C’était vraiment un gros projet car même si j’avais voyagé un peu, c’était ma première fois en Asie. Et pour une si longue durée également. J’ai alors transformé un voyage prévu de 2-3 semaines en une aventure de plusieurs mois toujours en cours aujourd’hui.
C’était vraiment une belle occasion de développer mes compétences pédagogiques, tout en visitant un magnifique pays. Je suis passé entre la peinture et le mur vu que même si je suis francophone mais de citoyenneté canadienne, j’ai pu décrocher un emploi comme enseignant d’anglais grâce à mes études et parce que je suis un peu moyennement pas pire bilingue (I can English plus que yes/no/toaster entéka).
Je peux aussi dire que mon timing était vraiment chanceux : je suis arrivé au Japon en janvier 2020, puis, dès que j’ai commencé à travailler dans mes classes, la pandémie a frappé. J’ai vécu une très belle année 2020 malgré tout et j’aborde 2021 avec optimisme!
Jonathan: La vie au Japon doit être quand même assez différente que celle au Québec. Comment as-tu fait pour t’acclimater à ton nouvel environnement?
Mes recherches initiales m’ont permis d’éviter le « choc culturel » en tant que tel, mais je dirais que deux choses m’ont posé de grands défis : la langue et par la suite, la pandémie de COVID-19.
Pour ce qui est de la langue, ce n’est même plus une blague que de dire que c’était « comme du chinois » : non seulement le Japon utilise les kanji, directement empruntés de la Chine voisine, mais également le hiragana comme alphabet simplifié, ainsi que le katakana, alphabet phonétique utilisé pour les mots étrangers.
Ça fait donc trois alphabets à apprendre! En toute honnêteté, seuls le hiragana et le katakana sont vraiment utiles au début. À force de vivre en immersion, j’ai non seulement appris une base de la langue, mais également appris à reconnaître et prononcer certains kanji omniprésents comme « entrée/sortie » ou « station [de bus, train, etc.] ».
J’ai commencé avec Duolingo quelques mois avant de partir, mais je n’étais pas très assidu hahaha! Néanmoins, je pouvais lire de manière limitée les caractères. Également, mon horaire assez chargé et varié ne me permettait pas de suivre des cours plus structurés.
Ceux donnés dans ma ville étaient le samedi, qui était ma journée la plus occupée. Après 1 an en immersion, je peux me débrouiller et avoir une conversation de base.
“Le truc paresseux reste toujours de sourire et de hocher de la tête… jusqu’à ce qu’on vous pose une question hahaha!”
En ce qui concerne la pandémie de COVID, la vie ici est plutôt « normale » peu importe ce que ça veut dire en 2021. Restos, commerces, écoles… tout est ouvert avec des mesures sanitaires plus élevées et des fermetures ponctuelles au besoin.
La distanciation sociale tient plus de la pensée magique : très peu appliquée sinon avec des collants sur les bancs ou pour faire la file à la caisse. Tout le monde se promène librement, mais tout le monde porte des masques et se désinfecte les mains en entrant, et ce depuis février 2020. Il faut dire que le gouvernement ici a géré la crise de manière différente pour le mieux, malgré quelques cafouillages.
La mémoire du SARS et du H1N1 sont beaucoup plus vives en Asie de l’est, donc l’action a été somme toute plus rapide et décisive, variant d’un pays à l’autre. Il faut aussi préciser que la constitution japonaise ne permet pas l’application de restrictions comme celles appliquées en Occident.
En classe, on implémentait également certaines mesures : port du masque en tout temps pour tout le monde, désinfection des surfaces, lavage de mains ou gel hydro-alcoolique à l’entrée et souvent pendant les cours (avant les activités ou avec les plus jeunes qui se fouillent dans le nez…), désinfection des objets utilisés, réduction des contacts physiques, aération, etc.
“Avant la pandémie, mon plan était de voyager un peu avant de revenir…”
Disons que mes plans ont changé quelques fois, surtout depuis décembre dernier vu l’évolution de la situation au Canada. Je suis toujours dans ma préfecture et je compte y rester jusqu’à ce que mon retour soit plus aisé que maintenant avec la quarantaine imposée aux « voyageurs » avec l’hôtel à nos frais et cie.
J’espère honnêtement qu’il y aura plus d’exceptions accordées pour des personnes comme moi qui ne sont pas en voyage, mais mal prises ou ayant des motifs autres que le loisir.
Aussi, petit bonus : le climat. Si le pays est très sécuritaire au niveau sociétal, la nature en revanche peut se montrer hostile. Le Japon est à la croisée de plusieurs plaques tectoniques en plus d’être exposé à de nombreux phénomènes météorologiques tels que les typhons et autres tempêtes.
Les étés sont très humides et les hivers peuvent être très neigeux, dépendamment de la préfecture. L’hiver passé a été particulièrement brutal avec des précipitations record dans quelques préfectures. En outre, je n’ai heureusement pas eu trop de bibittes dans mon coin.
Par contre, pendant une randonnée j’ai croisé un panneau avertissant de la présence des fameux et redoutables frelons géants asiatiques, mieux connus sous le doux nom de « murder hornets » en anglais…
“Disons que j’avais des sueurs froides même quand j’en voyais des moins gros hahahaha!”
Aussi, pas plus tard que le 13 février dernier, on a vécu un tremblement de terre de magnitude 7.3… disons que ça surprends à 23h00 quand t’es dans ton lit!
Il s’est avéré être un contrecoup du terrible tremblement de mars 2011 qui a causé le tsunami, soit il y a déjà 10 ans. Je suis allé visiter un centre d’interprétation en août dernier à Ishinomaki, une ville durement touchée à l’époque, et on ne peut qu’avoir du respect envers la résilience des Japonais qui ont tout de même persévéré et reconstruit.
Jonathan: J’imagine que le tout a dû débuter avec un solide choc culturel. Quelles sont les plus grandes différences dans le mode de vie ou les habitudes de la population?
La société en général est plus uniforme et communautariste : la masse prévaut sur l’individu. Prenez cela avec un gros grain de sel car c’est une simplification pour fins de donner une image générale.
Il faut dire qu’une écrasante majorité des résidents au Japon sont d’origine japonaise, à la différence des pays occidentaux où les taux d’immigration et la diversité culturelle sont beaucoup plus marqués.
Aussi, la mode et l’architecture sont en général plus austères : le carré et le brun-gris-beige dominent.
En même temps, beaucoup de choses sont pensées pour être d’abord pragmatiques : par exemple, les égouts pluviaux couverts de dalles qui servent de trottoirs, ou encore les modèles standardisés de maisons qui accélèrent la construction.
On peut le voir de manière positive, par exemple comment les familles prennent soin de leurs enfants et de leurs aînés comparativement au Québec, ou encore la cohésion et l’esprit de corps durant les épisodes heureux (festivals, évènements sportifs) ou encore les catastrophes (tsunami de 2011).
D’un point de vue plus négatif, on pourrait dire que la hiérarchie est très rigide et importante, l’individualité est souvent étouffée ou vue d’un œil critique, et la pression sociale est é-nor-me. L’ancienneté, l’apparence et la réputation/l’honneur sont des éléments centraux, et certains écarts qui nous paraissent anodins peuvent vous coûter une carrière ici.[1]
Dans la vie de tous les jours, les marques de respect comme le fait de s’incliner pour saluer sont omniprésentes et importantes.
” Après un certain temps, ça devient naturel et on s’habitue rapidement.”
Par souci de nuance, on parle quand même du pays qui nous a donné Godzilla, une foule de mangas/d’animés parfois troublants, des groupes de musique vraiment flyés (Baby Metal, Dir en Grey, Melt-Banana… bonne écoute hahaha!) et j’en passe.
L’originalité existe et est partout : seulement elle se démarque différemment et est acceptée à divers degrés selon les milieux. D’ailleurs, les tatouages sont encore interdits par certains employeurs et dans la plupart des onsen (sources thermales). Les mentalités changent, mais à pas de tortue.
Les dépanneurs japonais (kombini, adapté de convenience store en anglais) sont vraiment extraordinaires : t’as besoin d’aller retirer de l’argent au guichet automatique, payer tes factures, acheter du savon à main, de la crème glacée, un manga pis une bière à 3h00 du matin?
Pas de trouble! Ceux des grandes chaînes comme 7-11, Lawson ou Family Mart sont omniprésents, ouverts 24/7 et suivent à peu près tous le même modèle. Ils sont vraiment une ressource essentielle, surtout quand on est un peu plus en région ou sur la route.
Aussi, fait à noter, le Japon reste une société qui utilise encore principalement l’argent comptant et les cartes ne sont pas acceptées partout. Cependant, certaines cartes à puces (pensez crédit ou carte OPUS) peuvent servir pour payer à la caisse, dans les transports et même dans les distributrices!
“D’ailleurs, il est assez étonnant d’en voir partout, mais vraiment par-tout… “
Même au beau milieu d’une route de campagne! De plus, si la majorité des machines vendent des boissons froides et chaudes pendant les mois froids comme maintenant, il y en a qui vendent des friandises (plus rares), des cigarettes (avec carte d’identité spéciale), ou même de la nourriture fraîche/chauffée (vraiment rare!).
D’ailleurs, l’industrie du service et le service à la clientèle au Japon sont tout simplement hors catégorie. Les commerçants vont généralement tout faire pour vous assister et faire en sorte que votre expérience soit la plus agréable possible.
Le pourboire est inexistant ici car les Japonais sont fiers de leur service et se donnent à 110%. L’assistance pour la paperasse peut varier par contre…
Tu ne peux pas dire que tu as vraiment vécu au Japon si tu n’as pas rempli au moins un formulaire écrit en kanji avec ton téléphone qui traduit au fur et à mesure en sacrant en québécois pas trop fort et en priant que tu n’aies pas à recommencer hahaha!
J’ai eu de la chance avec mon bureau municipal, qui était très efficace et accommodant. Le mythe de l’efficacité japonaise en prend parfois un coup par exemple, surtout quand le pays fonctionne encore avec des fax et des étampes…
“Je n’avais pas croisé un fax depuis mon école primaire; ça m’a fait un certain choc de devoir travailler avec tous les jours!”
Parlant de contrastes entre le neuf et l’ancien, il est vraiment intéressant de voir à quel point la vie et les bâtiments contemporains ont intégré les bâtiments historiques et les temples/sanctuaires existants depuis des siècles.
Au détour d’un gratte-ciel, il est possible de croiser un petit sanctuaire dans une allée dérobée. Même chose pour un temple millénaire au milieu d’un quartier neuf. Les traditions religieuses shinto et bouddhistes sont encore très vivantes et il n’est pas rare de croiser les croyants lors d’une visite dans un lieu saint.
Ça fait partie de la vie normale des gens, un peu comme nos grands-parents qui allaient à l’église le dimanche.
Dernier point que je vais aborder ici : l’isolation. Pas l’isolation personnelle parce que je suis une minorité très visible, ni l’isolation des villages ruraux de plus en plus abandonnés (ça, c’est un sujet à lui tout seul).
Non non, ici je parle bel et bien d’isolation de maison, ou plutôt son absence. Même dans les constructions récentes, les murs sont assez minces et la seule source de chaleur incluse dans le bâtiment est une ou plusieurs unités d’air conditionné qui produisent de l’air chaud ou froid (très bien pensé par contre!).
Là vous allez dire : « Ben voyons, y fait quand même pas plus frette qu’icitte batinsse! ». Vous avez raison, il fait ben plus frette au Québec pendant l’hiver, mais à moins d’avoir un air climatisé par pièce, il fait aussi frette en dedans qu’en dehors…
“Pas tant le fun.”
Des chaufferettes d’appoint électriques ou au kérosène sont souvent utilisées. Ah, et les rues et trottoirs ne sont pas déneigés non plus, ou du moins très peu dans ma préfecture malgré le fait qu’on ait eu de la neige en masse! Je me suis senti à Montréal pendant des bouts hahahaha!
Je crois que la seule préfecture adéquatement équipée pour affronter l’hiver est Hokkaido, l’île la plus au nord de l’archipel. Ils ont des camions-pelleteurs, des souffleuses et des maisons isolées comme du monde! Yamagata a aussi des souffleuses aussi je crois, il neige quand même pas mal là-bas aussi.
Jonathan: Comment ont été ton accueil et ton intégration dans ton milieu de travail?
Règle générale, mon expérience d’intégration a été fort positive de A à Z. Comme j’ai fait affaire avec une agente de placement, j’ai été pris entre de bonnes mains dès le départ.
Tomoko Tamaki de Tamaki TEFL Recruitment (shameless plug) m’a accompagné dès le début au travers de l’enfer bureaucratique de l’application pour travailler dans un autre pays. Entrevue, profil de l’emploi, paperasse pour la compagnie et le visa…
Son organisation claire et serrée m’a définitivement aidé jusqu’à mon atterrissage en terre nippone. Habituellement, l’organisation pour laquelle vous allez travailler va vous accompagner et s’occuper de la paperasse au Japon (taxes, habitation, etc.).
Par la suite, mon « entraîneur » Karl a mené de main de maître notre formation et notre intégration dans la société. Par exemple, nous devions nous rendre à une classe pour une formation et nous devions prendre l’autobus.
“Simple, non?“
Le truc, c’est qu’au Japon, on entre par l’arrière et on paye selon la distance parcourue en nombre d’arrêts. Nous avons donc été bien acclimatés à la vie tout en apprenant les bases de l’emploi.
Une fois envoyé dans ma préfecture de Miyagi, c’est mon superviseur Chris qui m’a pris en main dès mon arrivée à la station de Furukawa à Osaki, où j’ai passé mon année. Il m’a aidé à m’installer dans mon appartement, à m’enregistrer au bureau de la ville, à ouvrir un compte en banque et m’a accompagné surtout au début dans mes premières leçons.
Après, c’était surtout du support ponctuel, mais constant. J’ai eu la chance d’être dans une équipe de travail vraiment cool et cohésive, alors tout le monde aidait tout le monde. Je peux considérer certains d’entre eux comme des amis maintenant, et ils font partie d’un réseau de support important que sont les expatriés… une denrée rare par ici!
Jonathan: Quelle est la plus grosse différence entre l’éducation au Québec, et celle du Japon?
Pour moi c’est un peu difficile de répondre car je n’ai pas travaillé dans le système public au Japon. Mais plutôt pour une compagnie privée. Cependant, en échangeant avec mes élèves j’ai trouvé que les jeunes au Japon sont vraiment TRÈS occupés. École, devoirs, clubs parascolaires « obligatoires » (ça change en ce moment), écoles du soir (juku) et oui, même des emplois à temps partiel par-dessus tout ça pour les plus vieux.
Pour ajouter à cela, le système est très rigoriste en termes d’uniformité : je me souviens de ma propre expérience où j’ai été parmi la première vague d’élèves à mon ancienne école secondaire (publique) à recevoir un demi-uniforme…
Ça avait fait des vagues! Ici, les élèves du secondaire (6 ans total) portent l’uniforme. Bon, jusqu’à présent, rien de bien particulier… Par contre! Ils sont également restreints quant à la couleur de leurs cheveux ou même la coupe!
À titre d’exemple, une étudiante avec des cheveux ayant une couleur naturelle plus brune a eu du trouble avec l’administration, qui lui demandait de teindre ses cheveux noirs![2]
“Cependant, les mentalités changent… très lentement.”[3]
Je pense qu’il faut toujours considérer avec nuance ce genre de chose « offusquant » nos sensibilités occidentales. L’historien en moi ne peut dissocier le contexte du phénomène.
J’aimerais tout de même finir sur une note positive en précisant que les écoles ont des programmes de repas du midi payants, mais qui sont vraiment équilibrés et très « santé ». De plus, afin de développer l’esprit de communauté, les élèves mangent dans la classe avec leurs enseignants.
Dans le même objectif, les élèves sont responsables de la propreté de leurs classes et de leurs milieux de vie partout dans l’école : ils ont donc des tâches à accomplir dès la maternelle afin de garder leur environnement immaculé. Tout a sa place dans la société japonaise : ça vaut autant pour les personnes que pour les Lego…
À voir la propreté partout dans le pays malgré le manque de poubelles et le respect des Japonais pour ce qui les entoure, je crois que ça a une influence positive et de laquelle on peut apprendre. Je pense à tous les parents au Québec qui demandent à leurs enfants de tout ranger, seulement pour piler sur un Lego et souffrir en silence dans la nuit… (Lâchez pas!).
Comparez le métro de Montréal avec le métro de n’importe quelle grande ville au Japon, on est assez trash! Même les camions de poubelles sont impeccables!
Jonathan: Tu vis maintenant à des milliers de kilomètres de ta famille et tes amis. Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi à ce niveau?
Ironiquement, avec la COVID je ne pourrais pas plus voir physiquement mes amis et ma famille, alors je ne m’en fais pas trop. Les miracles des Internets ont fait en sorte que j’aie pu rester en contact constant avec mes parents et amis : Messenger, LINE, Facebook, Zoom… Au final ça ne change pas vraiment de l’expérience que j’aurais au Canada en ce moment.
Pour ce qui est du mal du pays, je ne m’ennuie pas trop de la bouffe non plus vu qu’ici j’ai tellement de variété et de choix délicieux. Je dois quand même avouer que la poutine m’a manquée à un certain moment, surtout quand j’ai dû l’expliquer à mes collègues hahaha!
“Aussi, trouver du vrai bon fromage ou de la charcuterie sans se ruiner relève de l’exploit… “
De plus, la variété des cuisines (italienne, vietnamienne, française, etc.) est parfois limitée, mais en ville elles sont plus accessibles.
Je trouve qu’au Québec on a une scène culinaire tellement bien diversifiée, même en région. J’ai également acheté un CD de Mononc’ Serge pour encourager nos artistes et il s’est rendu jusqu’ici!
Finalement, le fait d’avoir des bons collègues avec lesquels on peut échanger et passer du temps m’a permis de tisser des bons liens. Ils sont devenus une famille loin de la famille si on veut.
J’ai également rencontré par hasard un groupe d’Européens travaillant pour une compagnie d’ingénierie dans ma ville. Je dois avouer que je ne m’attendais pas à trouver d’autres gaijins[4] dans mon coin un peu rural!
On est partis faire quelques excursions vraiment intéressantes dans ma préfecture ou encore fait des BBQ sur le bord de la rivière/de l’océan.
Jonathan: Est-ce que tu t’intéresses à la politique au Japon? Peux-tu nous donner ton avis sur la façon sur son fonctionnement?
En respect de leur nature non-conflictuelle, les Japonais ne sont pas très enclins à donner des opinions arrêtées et affirmées. Parler de politique est un peu un tabou, donc les gens restent très vagues et neutres.
La politique ici relève plus de la continuité[5] tant que tout va bien, et du spectacle quand ça va mal… En effet, combinez une très grande place accordée à l’honneur et aux apparences avec un sens du spectacle télévisuel (pensez aux jeux télévisés capotés) et vous obtenez une formule assez divertissante quoiqu’assez plate en général.[6]
Ironiquement, je m’intéresse habituellement beaucoup à la politique. Mais ce n’est vraiment pas un élément qui m’accroche ici. J’ai plus suivi la politique canadienne et québécoise pour être honnête!
Jonathan: Pour terminer, quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait faire comme toi et aller enseigner ailleurs dans le monde?
Pour citer l’Empereur Palpatine : « Do it! » Bon plus sérieusement, voici quelques points que je considèrerais importants :
Faites vos recherches! :
Sans atteindre un point où votre destination n’aura plus de secrets pour vous (ce qui gâcherait le plaisir), prenez le temps de rechercher comment se passe la vie là-bas, les habitudes de vie, les choses à ne PAS faire, etc.
Comme toute recherche, faites attention à vos sources et gardez un œil critique! J’ai regardé beaucoup de vidéos sur le Japon, et certaines sont vraiment à côté de la plaque par rapport à la réalité. Le principe étant qu’il vaut mieux préparer maintenant que de perdre son temps à chercher quoi faire une fois arrivé là-bas.
Également, « magasinez » votre expérience : possédez-vous une certification TESOL/TEFL? Vous aurez alors beaucoup plus de choix, notamment pour le programme JET ou pour travailler dans le réseau public. Prenez le temps de choisir un emploi qui vous convient.
Voici quelques sites utiles pour le Japon:YouTube (voir les chaînes mentionnées ci-haut)
Tourisme
https://www.reddit.com/r/JapanTravel/wiki/advice
http://www.customs.go.jp/english/index.htm
Emploi (principalement enseignant d’anglais)
https://travel.gc.ca/travelling/publications/teaching-english-in-japan
https://jetprogramme.ca/ (Enseignement de l’anglais)
https://lovetefljobs.com/location/teach-english-in-japan/
https://www.internationalteflacademy.com/blog/teaching-english-online
https://www.reddit.com/r/teachinginjapan/
Visa et cie
Consulat général du Japon à Montréal : https://www.montreal.ca.emb-japan.go.jp/itprtop_en/index.html
Ministère de l’immigration (Japon) : https://www.immi-moj.go.jp/index.html
Certificat d’éligibilité pour le visa : http://www.immi-moj.go.jp/english/tetuduki/kanri/shyorui/01.html
Min. des Affaires étrangères section visa (Japon) : https://www.mofa.go.jp/j_info/visit/visa/index.html
N’hésitez pas à explorer! :
C’est très facile de rester dans Tokyo/Osaka/Kyoto pendant une semaine ou deux. Cependant, il y a tant de choses à explorer et quelques aventures d’un jour valent définitivement la peine. Même aller explorer une préfecture qui n’est pas centrale comme Miyagi, Yamagata ou Hokkaido au nord vaut franchement le détour!
Aussi, soyez ouverts aux opportunités comme mon aventure avec les Européens d’Osaki : vous seriez surpris ce qu’un peu de japonais gargouillé tout croche peut vous ouvrir comme portes vers de belles expériences avec la population locale!
Soyez respectueux :
Ça semble évident, mais si vous ne voulez pas devenir le stéréotype du gaijin irrespectueux (merci Logan Paul…), faites attention aux gens autour de vous et à l’environnement.
Vous ne trouvez pas de poubelle? Trimballez vos déchets jusqu’à la prochaine station de train/métro ou au kombini, vous allez en trouver. Aussi, si vous voulez éviter des reproches, ne parlez pas ou très bas dans les transports et mettez votre téléphone sur « vibration » ou « silencieux ». Sinon, le bon sens prévaut pour le reste.
La loi, c’est la loi :
Je pense que je n’ai plus besoin de prouver mon point sur la conformité au Japon. Soyez au fait des lois et des conséquences en cas de manquements. Les policiers sont d’abords là pour servir la population, mais s’ils vous prennent à faire de quoi de prohibé, oubliez la négociation.
Par exemple, si on vous prend à fumer dans la rue, c’est une amende directe sans discuter (il y a des endroits désignés). Aussi, le Canada a une entente avec le Japon pour passer le permis de conduire si vous restez plus qu’un an.
En bas de ça, je suggère d’obtenir une version internationale de votre permis chez CAA. Ça vaut vraiment la peine pour explorer les coins inaccessibles par transport en commun!
Good luck, have fun! :
C’est ça qui est ça!
Jonathan: Merci beaucoup d’avoir pris le temps de nous informer un peu plus sur ta vie en tant qu’enseignant québécois au Japon. Mes lecteurs vont grandement apprécier.
[1] Un exemple de moindre ampleur : « World champion swimmer Daiya Seto suspended following extramarital affair », CNN, 16 octobre 2020
[2] Tel que mentionné par le NY Times, la BBC et le Japan Times.
[3] «Tokyo public schools will stop forcing students to dye their hair black, official promises », Japan Today, 4 avril 2019
[4] Contraction de gaikokujin, qui veut dire « étranger ». Souvent utilisée pour désigner les non-Japonais.
[5] Le parti Libéral-démocratique a régné sur le gouvernement presque sans interruption depuis 1948, soit 65/72 années avec une période de 37 années consécutives (1956-1993).
[6] Pour les cas de scandales et les réactions savoureuses, je suggère les vidéos à ce sujet sur la chaîne YouTube Tev – Ici Japon (Les liens des épisodes ici et ici pour les paresseux)
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