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Maternelles 4 ans : quand la musique devient itinérante

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** Ce texte sur les maternelles 4 ans est une collaboration de M. François-Olivier Loignon, enseignant au secondaire et chef d’orchestre.**

Hier, une amie fait une publication tant redoutée sur Facebook : dû à l’implantation des maternelles 4 ans et au manque de locaux de l’école, elle allait perdre son local de musique. Comme la COVID l’a imposé dans plusieurs autres écoles il y a plus d’un an, la musique deviendra itinérante.

De plus, bien que les enseignants de cette école désirent garder la musique, sa direction lui a annoncé tout bonnement qu’elle allait proposer de remplacer la musique par de l’art dramatique. Parce que, bien entendu, ce serait moins compliqué en termes de logistique et de coût.

Dans la sphère des profs de musique, vous pouvez facilement imaginer le tollé qu’a soulevé cette situation. Et à mon grand soulagement, une grande partie des réactions à cette situation me donne espoir.  Mais il n’empêche que celle-ci est particulièrement frustrante pour deux raisons.

La première est qu’elle était parfaitement prévisible.

Je ne veux pas refaire le procès des maternelles 4 ans ici. Je suis de ceux qui ont été contre l’implantation de ce programme et qui soutiennent qu’il aurait été mieux d’utiliser l’argent de ce projet pour bonifier et améliorer l’offre des CPE. Toutefois, là n’est pas l’objet de ma frustration.

Là où le bât blesse, c’est que l’implantation de ce programme porte les signatures respectives du gouvernement caquiste et de son ministre de l’éducation : le dogmatisme pour le premier et l’improvisation pour le second.

On savait qu’il y avait une pénurie d’enseignants dans le milieu bien avant l’arrivée de la COVID. Tout le monde savait que les locaux étaient manquants et que plusieurs étaient vétustes, voire tombaient en ruines.

On a tout de même décidé d’implanter le programme par orgueil politique, question de bien paraître en mettant un beau gros « X » sur une promesse électorale phare. Et on l’a fait sans penser aux conséquences.

Maintenant, imaginez que vous êtes une direction à qui on enfonce dans la gorge l’implantation des maternelles 4 ans en sachant pertinemment que vous n’avez pas l’espace.

Que coupez-vous?

Soyons honnête, la réponse semble nous sauter aux yeux : les arts et la culture ont toujours été les parents pauvres de notre système d’éducation, voire de notre société en général. Et c’est ce qui est dommage.

Si vous et moi pouvons tout de suite penser à ce problème et aux conséquences qu’il engendrera, comment un ministre et son équipe n’ont pas pu anticiper ce problème?

Comment n’a-t-on pas pu penser que les matières artistiques écoperaient? (À moins bien sûr que l’improvisation et les projets bâclés soient notre marque de commerce, mais je m’égare…)

Ce qui m’amène à ma deuxième frustration : que la décision soit si prévisible. À chaque fois qu’on doit couper quelque part dans les matières où dans les grilles horaires, ce soit les arts ou la culture qui paient.

Quelle ne fut pas ma consternation d’apprendre que lorsque ce n’est pas les locaux de musique qui écopent des coupures, ce sont les bibliothèques!

Imaginez deux secondes la réaction si on avait sacrifié le gymnase pour ces nouvelles classes. Avec la manifestation du 8 mars dernier pour le retour du sport à l’école, on peut imaginer la colère de la population, avec raison.

Maintenant, imaginez qu’on ait décidé de sacrifier la salle des enseignants.

On aurait eu un tollé de la part des enseignants et des syndicats, avec raison encore une fois.

Alors pourquoi sacrifie-t-on les arts et la culture sans grande indignation? Pourquoi les enseignants de musique et d’arts doivent justifier leur matière chaque année auprès de leurs collègues et de leur conseil d’établissement?

Expliquez-moi pourquoi sommes-nous peu enclins à reconnaître les bienfaits des arts dans le développement de nos jeunes ainsi que son importance dans notre propre vie de tous les jours?

Et surtout, comment se fait-il que nous n’ayons pas plus de réticences que ça à réduire le rôle de prof de musique (ou de tout autre art) à celui du saltimbanque qui déambule de classe en classe pour amuser la galerie?

La fameuse place des arts à l’école

Comment se fait-il que nous ne réalisions pas que, comme tout autre enseignant, les enseignants de disciplines artistiques ont eux aussi besoin d’avoir un espace propice à l’apprentissage de leur matière et d’avoir accès à leurs outils pédagogiques?

Avouez qu’il est quand même ironique que, après toutes les doléances qu’on entend contre la flûte à bec (injustes pour la plupart, mais ce sera le sujet d’un autre texte), on réduise l’enseignant de musique à devoir déplacer son matériel de classe en classe, limitant ainsi la possibilité d’instruments à la flûte et quelques percussions.

Nous avons de sérieuses questions à nous poser, comme citoyens, parents ou gestionnaires, à propos de notre facilité à couper les arts et réduire leur place dans la vie de nos jeunes.

Parce qu’après tout, dans cette société qui se déconnecte de plus en plus à son humanité au fur et à la mesure qu’elle se connecte à au numérique. Il est insensé de réduire les matières qui rapprochent le plus nos jeunes de cette humanité en les amenant à exploiter leur créativité, leur expressivité et leur sociabilité.

François-Olivier Loignon

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