L’anxiété à l’ère des réseaux sociaux
** Ce texte sur l’anxiété à l’ère des réseaux sociaux est une collaboration de M. Hervé Simard. **
Le début
Je suis un asocial.
Selon mes propres standards, on s’entend.
Je n’aime pas trop me mêler à la société, je préfère les choses tranquilles et un brin sombre avec une atmosphère détendue, feutrée. Ça doit expliquer mon métier de programmeur, ma passion pour la littérature, et un paquet d’autre choses.
Vous ne me verrez pas fréquenter les bars, dans une fête je traîne dans un coin, je perds le focus, je n’entends rien, DU. CALME. S’IL. VOUS. PLAÎT. Je préfère largement une soirée entre amis qu’une fête de Saint-Jean sur les plaines.
Quand la pandémie a frappé, je me suis dit que ça m’affecterais peu.
Après tout il fallait réduire les contacts sociaux. Je ne voyais déjà pas grand monde, « no problemo ». Devenu consciencieux de mes gestes, j’ai fait attention, j’ai porté le masque, j’ai mes 2 doses et je suis content. Je suis chanceux, pour l’instant ce satané virus n’est qu’un mauvais présage.
Mais je suis un anxieux. Et si la pandémie a mis en relief un problème, c’est cette anxiété. Comme des millions d’autres personnes, l’anxiété traîne dans mes pensées, me serre les boyaux et paralyse mes membres. Et j’ai des comptes dans les réseaux sociaux. Et les réseaux sociaux, c’est TRÈS anxiogène, eh galère.
Réseaux social et anxiété
Or je me rends compte que mon anxiété grimpe vite. Sans faire de corrélation, elle augmente avec mon temps passé à fréquenté ceux-ci. J’ai fait une pause Twitter qui m’a été salutaire il y a quelques mois.
Je suis revenu parce que je suis un grand fan de sports (je ne suis pas à une contradiction près) et j’avais résolu d’épurer mon fil, ce qui fût fait. Facebook? En théorie, c’est pire, mais je ne consulte mon fil Facebook qu’environ une fois aux deux jours, et je me lasse après 30 secondes. Je suis donc un chanceux.
Mais lorsque le sport est tranquille, c’est le reste qui embarque, et nous sommes dans une période de polarisation aux extrêmes. Je vois des gens s’entre-déchirer avec 180 caractères pour toutes les questions imaginables :
- La pandémie;
- Le Canadien de Montréal;
- Les élections;
- Le vaccin;
- Les controverses;
- Le Canadien de Montréal;
- Les anti-X, où X est une variable dans laquelle on peut y placer un sujet qu’on aime, ou qu’on aime détester;
- La météo;
- Le Canadien de Montréal;
- Etc.
Eh là là.
Je vais être franc : les réseaux sociaux sont toxiques.
Je vois tout de suite les gens répondre : « Oui mais tu gères mal ça! ». Peut-être. Peut-être pas.
Je m’intéresse aux gens, à ce qu’ils pensent, à ce qu’ils sont. Mais viens un temps où je pense à moi, où je dois penser à moi, et où ces tweets, ces stories, ces plateformes, ne sont pas une solution à mon isolement. Ça l’empire.
Et c’est à ce moment que les réseaux sociaux deviennent barbants. Ennuyants. Démoralisants. Anxiogènes. Je les regarde, je sens les poches sous mes yeux s’alourdir, je soupire.
N.B. Je ne parle pas que de Twitter. Ils sont tous identiques. Tous dans le même bateau, allez hop, aucune distinction.
Le bel espoir
Ça n’arrive pas toujours cela dit. Il y a du beau comme du laid dans tout cela. Parfois, un échange magique entre deux personnes nous donne envie de croire que ça sert à ça, les réseaux sociaux.
À faciliter les contacts. Rapprocher les gens. Prendre des nouvelles de la tante éloignée. Discuter de sports avec des amateurs. Entrer en contact avec des gens auquel nous n’aurions pas accès. Développer de nouvelles amitiés.
Oui, il y a quelque chose de magique avec la technologie : on a réussi à faire penser de façon logique à des métaux. Si c’est pas merveilleux, ça…
Je me prends alors à croire qu’il y a quelque chose à faire. Que la technologie peut aider, peut être utile. Qu’on peut sauver des vies en écoutant des appels de détresse, qu’on peut faire réfléchir…
Jusqu’au prochain échange foireux du Canadien, et la déferlante de commentaires haineux qui s’ensuivra.
Évidence.
Ça ne remplacera jamais une bonne conversation, une vraie jasette. Avant internet, avant la venue des commentaires (que je ne lis jamais) sous les articles (quasi-toujours-haineux), les gens se réunissaient au bar du coin pour jaser.
Quand, après plusieurs bières (ou une seule si le niveau était assez bas), le tata du coin commençait ses élucubrations, il suffisait d’une bonne tape derrière le coco pour qu’il se calme, et nous retournions tous à la maison, ivres, mais joyeux (et que j’en vois pas un prendre le volant à ce moment-là).
Les réseaux sociaux ne permettent plus ça. Ils rapprochent ces tatas, les ramassent ensembles, et ils s’encensent, ils s’encouragent, ils se regroupent et se reconnaissent. Il est là, le problème : le gros bon sens ne peut pas intervenir comme autrefois.
Il n’y a aucune modération aux excès, à l’inintelligence et ça entraîne la perversité à laquelle on assiste désormais. La seule modération pourrait provenir de parties externes, et ça n’arrivera pas; trop d’argent est en jeu.
Ne pas oublier que les réseaux sociaux ne sont qu’une fenêtre parmi des milliers : il suffit d’aller dehors pour s’en convaincre. Et de fermer son cellulaire pendant ce temps-là. Le moral s’en portera mieux.
Dans le contexte actuel, ça vaut son pesant d’or.
Libéré, délivré…
-Hervé Simard