L’islamophobie se souvient
** Ce texte sur l’islamophobie et la commémoration de l’attaque du 29 janvier 2017 à la Grande Mosquée de Québec est une collaboration de M. François-Olivier Loignon, enseignant au secondaire.**
5 ans déjà.
Pourtant, je m’en souviens comme si c’était hier.
L’une des rares nuits où j’ai eu du mal à trouver le sommeil avant les petites heures du matin.
Cette nuit où l’horreur et la haine se sont abattues sur notre belle ville.
Cette nuit où, à quelques rues d’où habite aujourd’hui mon frère, 6 personnes ont perdu la vie parce qu’ils ont été prier.
Cette infâme nuit de tristesse où la haine a brisé des vies et des familles à cause de l’intolérance.
Et je me souviens de cette nuit chaque année.
Je me souviens de ces 6 visages qui n’avaient rien demandé d’autre que de pouvoir prier en paix.
Je me souviens de penser aux musulmans que je croise à l’école ou sur les camps d’été en me disant : « Ça aurait pu être eux. »
Je me souviens de mes amies impuissantes qui ont dû enseigner aux familles des victimes le lendemain.
Je me souviens d’Ibrahim Barry, d’Abdelkrim Hassane, de Mamadou Tanou Barry, d’Aboubaker Thabti, d’Azzedine Soufiane, de Khaled Belkacemi.
Mais 5 ans plus tard, la tristesse s’est lentement transformée en colère.
Une colère que je ressens chaque fois que je réalise que l’islamophobie est toujours présente.
La colère quand j’entends et je lis les pires insanités contre les musulmans qu’on camoufle sous le couvert d’un nationalisme.
La colère d’une discrimination ancrée dans nos institutions qu’on veut nier.
La colère quand je vais voir une élève à la fin d’un documentaire qui a fait entendre des propos islamophobes et qu’elle me répond : « C’est correct monsieur, je suis habituée. J’entends ça à chaque jour. »
Et, surtout aujourd’hui, la colère de tous ces hypocrites qui une fois par année, dénoncent l’islamophobie qu’ils ont alimentée.
L’hypocrisie de cet animateur de radio qui a qualifié de « joke comme une autre » une tête de porc ensanglantée sur le parquet de la même mosquée qui a vécu l’attentat.
L’hypocrisie de ce même animateur de radio, qui aujourd’hui dirige un parti politique en ascension, qui a élevé le tueur en martyr et qui a qualifié l’attentat de complot.
L’hypocrisie de la station radio qui lui a permis d’avoir ses propos sans aucune répréhension qui aujourd’hui se drape de vertu en dénonçant l’islamophobie.
L’hypocrisie d’un média où les chroniqueurs enchaînent les chroniques islamophobes qui crient à la tragédie chaque 29 janvier.
L’hypocrisie d’un maire qui commémore cette journée tout en recommençant à financer les radios qui permettent à l’islamophobie de se propager.
L’hypocrisie de ce gouvernement, au nom d’une fausse laïcité, ostracise les femmes musulmanes ont leur restreignant certains droits.
L’hypocrisie de ce chef d’État qui dit souligne une tragédiealors qu’il niait l’existence de l’islamophobie qui l’a causéeil y a un peu plus d’un an.
L’hypocrisie de ce parti fédéral dont le chef dénonce l’islamophobie aujourd’hui alors qu’il associait sans aucune preuve un ministre musulman au Hezbollah.
L’hypocrisie de ce même parti qui publie maintes dénonciations de l’islamophobie alors que certains de ses députés n’hésitent pas à l’utiliser au besoin.
L’islamophobie est un fléau réel de notre société. 5 ans après qu’elle ait fauché 6 vies innocentes de notre belle ville, il est grand temps de s’attaquer à ce fléau et au climat social qui lui permet de survivre.
Et ce, plus qu’une fois par année.