Les arts à l’école, ou la valeur de l’inutile.
Ce texte sur les arts est une collaboration de M. Vincent Michaux St-Louis. Il est donc partagé en sa version originale.
Et ça, c’est fou magique…
Mon coloc (enseignant au primaire d’art dramatique comme moi) est revenu d’une rencontre zoom où on lui a appris à la dernière minute, qu’il n’a plus l’obligation de fournir du matériel d’art dramatique à distance à ses élèves.
Étant donné que maintenant on se concentre sur l’important, c’est-à-dire, les math, le français bref la base importante. Il sera réaffecté au premier cycle et devra faire ce que les enseignantes titulaires de 1er cycle lui demandent.
Je sais que les enseignants doivent faire leur part. Je sais que tout le monde souffre de près ou de loin avec ce qui se passe. Je sais que les enseignants ont fait supposément partie des ‘’privilégiés’’ qui ont continué d’être payés. Je sais que les titulaires et directions pour la plupart reconnaissent nos spécialités et nous valorisent au sein de l’école québécoise.
Mais…
Les enseignants d’arts (toutes formes d’arts confondues) le savent très bien, ça ne date pas d’hier que nos matières ne sont pas réellement valorisées. Oui elles le sont lors des campagnes électorales, oui elles le sont lors d’événements ponctuels. Tout le monde est d’accord que l’art est important dans la formation d’un élève et pourtant…
Cette crise démontre clairement ce que nous, en arts, décrions depuis des années! Nous ne sommes pas une ‘’vraie matière’’ dans leurs yeux…confrontés à la réalité d’une crise, nous ne sommes plus importants.
Toutes les matières sont importantes et égales sauf quand on les compare réellement finalement! Quand le temps est compté, il faut se concentrer sur l’essentiel et nous tombons dans le bac du superflu…
Alors pourquoi?
Parce que logiquement et concrètement on ne sauve pas le monde avec des artistes, mais avec des médecins, des infirmières, et des fonctionnaires! Parce qu’avant de dessiner ou d’acter ou de danser ou de jouer de la musique, il faut savoir compter et écrire, parce qu’il faut avoir quelque chose à dire pour pouvoir s’exprimer et qu’est-ce qu’on a réellement à dire quand on ne connait rien? Parce qu’au final…lorsqu’on peut se le permettre, on forme des êtres humains, mais quand une crise éclate, on a besoin de machine.
Plusieurs (artistes ou non) répondent sur Facebook : ‘’ Mais en période de crise justement! Qu’est-ce que vous écoutez, de la musique, la télé, la radio, vous bouger, vous voulez danser, vous faites de la peinture, etc. C’est dans des situations comme ça que l’art est essentiel et que vous êtes ben content d’en avoir des artistes’’ et c’est vrai. Je suis d’accord. La culture est importante et encore plus en période de crise.
Mais…
Quand j’enseigne l’art dramatique à des enfants… Je ne me dis pas que je suis en train de créer un futur créateur de contenu Netflix. Non. Je me dis que je contribue à développer une sensibilité et une humanité chez eux. Je me dis aussi que ma présence dans une école en tant que spécialiste d’art change l’école, l’amène également à être plus sensible et plus humaine!
Donc oui quand je vois des séries Netflix je sens ma matière au travers de ça…je veux dire…je la vois…mais est-ce que je la trouve importante? Je la trouve importante ma matière quand je vois des infirmières se cotiser pour acheter une pizza aux concierges de l’hôpital qui ne sont pas toujours remerciés suffisamment. Je vois l’importance de ma matière dans les dizaines de policiers qui vont applaudir le personnel soignant devant les hôpitaux.
Les matières inutiles…
Je me dis que ces êtres humains ont été influencés malgré eux par les matières ‘’inutiles’’, que, parfois sans le vouloir, cela les aura rendus plus grands et plus beaux. On peut voir de la créativité dans cette mère qui a fabriqué un dispositif complexe en plastique dans sa cour pour pouvoir prendre sa mère dans ses bras sans risquer de la contaminer.
Cette beauté de l’art dans ce DJ allant sur son balcon pour jouer de la musique pour un parc rempli de 2 mètres, et je la vois également dans ce policier qui n’a pas osé réellement l’arrêter malgré les plaintes de bruit des voisins parce que…c’est trop beau pour être stoppé!
J’ai terminé ma formation universitaire en 2016 par un stage dans une école secondaire. Dans le cadre de ce stage, je devais faire un spectacle avec des élèves de secondaire 1. Déjà à ce moment-là bien avant le COVID je me questionnais sur la place de l’art dans le système scolaire, c’est pourquoi mes élèves et moi avons décidé de créer un spectacle entier sur la seule question :
Pourquoi je fais des arts à l’école?
Cette question me parait encore plus pertinente maintenant étant donné le contexte, et parce que l’on questionne l’importance de ma matière. Alors je laisse ici ce texte écrit par une jeune de secondaire 1…
‘’ Pourquoi je fais de l’art? Pour moi, l’art est une façon magique et simple de se sentir libre dans tous les sens du terme. Car en art dramatique, il n’y aura jamais quelqu’un pour vous dire que ce n’est pas bien fait. Car faire de l’art, ce n’est pas produire du beau.
C’est savoir que malgré tout ce qui arrive dans le reste de ta vie, le moment où on dépose un pied dans une salle d’art dramatique, nous savons que tous nos problèmes vont s’envoler. Comme lorsque la neige tombe au sol, en hiver doucement, mais surement.
Et bien que cela ne dure que le temps d’une période, nous avons déjà hâte à la prochaine. Et c’est pour cela que j’aime les arts… car peu importe ce que les autres pensent ou disent lorsque nous sommes sur la glace en improvisation ou même sur une scène de spectacle, nous savons que pour un moment tout le reste du monde disparaît. Et ça, c’est fou magique! ‘’
Par Vincent Michaux St-Louis
Pendant la 2e guerre mondiale, on questionna la décision de continuer d’enseigner les arts dans les écoles de l’Angleterre. La riposte du premier ministre Winston Churchill fût, ”Pourquoi luttons-nous alors?”