Fonderie Horne : Les cheminées de la discorde
(PHOTO par: Hugo Lacroix photographe)
Elles surplombent la ville de Rouyn-Noranda depuis maintenant près d’un siècle.
Elles sont aussi visibles à des kilomètres à la ronde.
Je les vois même par la fenêtre de mon salon chaque jour, car elles sont à moins d’un kilomètre de ma maison.
Elles sont surtout responsables de la plus grosse source de pollution par métaux lourds dans l’atmosphère de la province.
Ce sont les cheminées de la Fonderie Horne, appartenant à l’entreprise anglo-suisse Glencore.
Un moteur économique.
La fonderie, qui se spécialise dans le traitement du minerai de cuivre et le recyclage d’objets électroniques, emploie environ 500 personnes de façon directe, et quelques milliers de façon indirecte. C’est un acteur important de l’économie de Rouyn-Noranda.
Mais l’entreprise, ayant son siège social à Berne en Suisse, et le gouvernement du Québec sont sous les projecteurs de l’actualité depuis un certain temps, et pour cause.
Depuis sa construction au début du siècle dernier, la fonderie Horne a un droit acquis.
Celui de pouvoir polluer à un niveau supérieur de la loi provinciale, sans aucune conséquence.
Malgré cette situation dangereuse pour la population, la fonderie Horne ne fait rien d’illégal.
Elle est autorisée à la dépasser parce que cette norme est entrée en vigueur en 2011, bien après le début de ses activités, en 1927.
Selon des études de biométrie de la Santé publique, le taux d’arsenic présent dans le quartier Notre-Dame, le plus près de la fonderie, est 33 fois supérieur à la norme québécoise.
Cela veut donc dire que la fonderie Horne n’a pas à respecter la réglementation en place, surtout concernant l’arsenic, qui selon les experts est une cause importante de cancer des poumons.
À Rouyn-Noranda, l’espérance de vie serait de cinq ans de moins que pour l’ensemble des Québécois, et les bébés qui naissent dans la région seraient plus petits que dans le reste du territoire.
C’est d’ailleurs à Rouyn-Noranda ou le taux de cancer du poumon est le plus élevé au Québec, selon les données de surveillance de l’état de santé de la population de Rouyn-Noranda.
Le problème est connu depuis longtemps, depuis très longtemps même. On parle de plus de 40 ans.
La santé publique du Québec complice de la fonderie Horne ?
On apprenait récemment dans les médias que l’ancien directeur de la santé publique Horacio Arruda a rencontré des représentants de la Fonderie Horne en 2019, avant de faire retirer d’un document qui devait être rendu public évoquant le lien entre les émissions d’arsenic et les cas de cancer dans la ville.
Depuis la sortie de cette bombe dans les médias, de nombreux cris du cœur ont été lancés dans les dernières semaines. Une grande partie de la population, de nombreux experts, différents organismes environnementaux, mais aussi 50 médecins de la ville.
Ce matin, même le Collège des médecins s’en mêle et demande au gouvernement d’agir.
Le point de discorde.
Mais la situation n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air.
Selon Glencore, il faudrait investir une fortune pour que la fonderie devienne conforme à la loi.
Elle dit d’ailleurs investir beaucoup d’argent dans les prochaines années pour diminuer le taux d’arsenic. Mais elle n’a pas l’intention de se rendre au niveau exigé par la loi.
Malgré un chiffre d’affaires de plus de 200 milliards de dollars US en 2021, l’entreprise a plusieurs fois menacé de tout simplement fermer la fonderie si on exigeait qu’elle se conforme aux lois en vigueur.
La population se sent donc prise en otage.
On nous force à accepter l’inacceptable, sans quoi l’entreprise va plier bagage.
C’est complètement inacceptable.
Il est également difficile de parler de ce sujet, sans avoir la crainte de représailles.
Il s’agit d’un sujet extrêmement sensible.
Je m’attends à recevoir de nombreux commentaires et des menaces à la suite de la publication de cet article.
Le dossier est très polarisant à Rouyn-Noranda.
Mais comprenez-moi bien.
Car je veux être sûr que mon message soit le plus clair possible.
Les gens de Rouyn-Noranda ne souhaitent pas la fermeture de la fonderie Horne. Nous sommes conscients de son importance économique. Je ne veux pas voir mes amis qui y travaillent perdre leur emploi.
Mais je ne veux pas non plus que nos enfants subissent les conséquences d’un manque de leadership politique, ainsi que d’une totale indifférence de l’entreprise Glencore.
Nous, citoyens de Rouyn-Noranda, voulons seulement qu’elle respecte la loi, comme toutes les autres entreprises au Québec.
Tout simplement.
Que Glencore, le gouvernement du Québec, la ville de Rouyn-Noranda agissent le plus rapidement possible dans ce dossier.
Ce dossier traine depuis beaucoup trop longtemps.
Car à chaque jour qui passe, la population continue d’être exposée à des doses dangereuses d’arsenic. Le nombre de cancers continue d’y être plus élevé qu’ailleurs. Les enfants respirent et vivent dans des conditions inacceptables.
Nous ne voulons pas être des citoyens de seconde zone.
Nous voulons simplement vivre dans une ville où l’air y est sécuritaire, comme partout ailleurs au Québec.
Jonathan « le Prof » St-Pierre, citoyen de Rouyn-Noranda depuis 22 ans.
Pour en savoir plus sur le sujet :
https://www.journaldemontreal.com/2022/07/02/alors-on-la-ferme-ou-on-la-ferme-pas-la-fonderie-horne