science biomédicale
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La science biomédicale comme une téléréalité !

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** Ce texte sur l’évolution de la science biomédicale, en temps de pandémie et de médias sociaux, est une collaboration de M. André Bilodeau, M.D. et professeur agrégé en médecine familiale à l’université McGill**

Comme beaucoup de nos semblables, il nous est probablement arrivé au cours des derniers mois de pandémie de ressentir de la peur et de l’anxiété devant un ennemi nouveau et invisible, face au risque d’être malade et peut-être même de mourir ou simplement en pensant qu’on pourrait transmettre sans le vouloir le maudit virus.

On a sûrement aussi été agacé, dérangé, déstabilisé par suite des mesures qui ont mis à mal nos habitudes de vie, nos habitudes d’être en relation avec les gens autour de nous.

Alors on cherche des réponses à nos questions et des justifications aux décisions qui nous dérangent. Devant l’inconnu et l’invisible, on a tous appris que c’est la science qui nous donne les meilleures réponses habituellement, et particulièrement la science biomédicale en ce qui concerne… les maladies comme c’est le cas dans une pandémie.

Plusieurs questions sans réponse

Quel est ce virus ? D’où vient-il et comment se transmet-il ? À quel point est-il dangereux ? Comment l’éviter, le combattre une fois qu’on l’a attrapé, le guérir ? Quelles mesures sont efficaces et lesquelles ne le sont pas ?

Tant de questions légitimes pour lesquelles on attendait ce que la médecine et la science nous livrent habituellement, des réponses claires et plutôt définitives.

Mais on a eu plutôt droit à des hésitations, des revirements, des propositions contradictoires ou incohérentes. Ce qu’on affirmait une journée se trouvait ne plus être tout aussi vrai la semaine suivante. Comment cela se fait-il ? Où est la faille, l’erreur ? Nous a-t-on mal informés ou, pire, menti ?

En fait, on a simplement été témoin du processus usuel qu’utilise la médecine et les sciences de la vie en général, contrairement aux sciences de la nature inerte, comme la physique, qui proposent des lois stables à défaut d’être toujours simples, et universelle.

Que Newton ait reçu sur la tête une pomme en Chine ou en Australie plutôt qu’à Londres, elle se serait comportée de la même manière. Si l’expérience avait été faite sur Mars ou la Lune, la seule différence aurait été la vitesse de sa chute, la gravité y étant moindre.

Le vivant est tout autrement.

Nous avons tous l’expérience d’une grippe ou d’une entorse de la cheville. Si certains éléments se répètent d’un individu à l’autre, plusieurs symptômes diffèrent en intensité et en durée. Certains guérissent rapidement et complètement, d’autres éprouvent des séquelles pendant plus longtemps.

Selon notre état de santé précédent, notre âge, la réactivité de notre corps et les moyens à notre disposition, nous avons des expériences différentes des mêmes problèmes de santé. De plus, les résultats ne sont jamais pareils ni jamais garantis.

C’est avec cette grande diversité de réactions que les sciences du vivant doivent composer pour établir de façon plus ou moins certaine les mécanismes des agents infectieux ou des maladies acquises et innées.

C’est ce qu’on appelle la physiopathologie.

Le tout est encore plus complexe en ce qui concerne les traitements, puisque non seulement chacun a une version tout à fait unique et personnelle de la maladie, mais il réagira différemment des autres aux mêmes médicaments ou traitements. Deux enfants s’éraflent les genoux en même temps en faisant de la bicyclette, les deux plaies auront des développements différents même si le traitement est semblable.

L’évolution de la science biomédicale

Depuis le début de la médecine clinique moderne au début du XVIe siècle alors qu’ont commencé les dissections de cadavres par les premiers anatomistes, les sciences biomédicales ont procédé de la même façon et si nos moyens d’investigation et d’expérimentation en laboratoire se sont grandement améliorés, la méthode par tâtonnement et consensus est restée la même.

Le procédé habituel consiste à observer des « événements » chez certains individus et, basé sur les connaissances déjà acquises, d’en tirer une hypothèse de cause ou de traitement. On doit par la suite l’expérimenter en laboratoire sur des modèles cellulaires ou animaux, puis sur des groupes de personnes.

Le défi est chaque fois de savoir si l’effet est celui du hasard ou de notre hypothèse. Alors, il arrive que des études donnent des résultats dans un sens et d’autres, dans le sens contraire. C’est quand on cumule toutes ces études qu’on arrive à définir une explication et un traitement qui sera reconnu et appliqué.

En général, c’est un processus lent, très lent en fait qui exige beaucoup de patience et de minutie, de répétition des études cliniques. Suivent des centaines ou des milliers de publications dans les revues scientifiques qui seront analysées et discutées entre spécialistes lors de congrès ou par des sociétés dédiées à ces domaines.

Après un bon moment, à l’abri des regards du public, non pas par volonté de rester secret, mais parce qu’il s’agit de travaux et de discussions souvent très pointues, voire pointilleuses et ennuyantes, la « science » nous livre des conclusions que les médecins appliquent plutôt uniformément partout.

Si de nouvelles observations amènent de nouvelles hypothèses, des recherches supplémentaires seront menées et il se pourrait qu’il y ait des changements légers ou importants à la compréhension qu’on a d’une maladie et à ses traitements.

L’exemple de l’asthme et de la Covid-19

Pour la seule histoire de l’asthme, j’ai connu dans ma carrière des revirements importants quant à la fine explication des mécanismes dans les bronchioles qui ont mené à un revirement quant à la thérapie.

Les vieux malades ont tous connu la Théophylline qui a constitué longtemps le traitement de base et dont on devait constamment mesurer le dosage dans le sang. Aujourd’hui, presque plus aucun asthmatique n’en prend, plusieurs n’en connaissent même pas l’existence.

Le cas de la COVID-19 nous a projetés dans une situation totalement nouvelle pour tous.

D’abord, la maladie s’est propagée de façon si soudaine et a causé une telle réaction dans le monde entier, que la pression s’est trouvée insistante de la part des dirigeants et des membres du public pour que les choses aillent beaucoup plus rapidement.

Pour les mêmes raisons, chaque développement dans les connaissances a été diffusé largement à tous par les médias traditionnels et par les réseaux sociaux. Les discussions qui se produisent habituellement entre chercheurs et spécialistes ont été largement accaparées par tout un chacun. Il était alors difficile de voir un consensus se former au milieu de tout ce vacarme.

Une montagne d’informations disponible

Au bruit assourdissant des échanges s’est ajouté le tsunami d’informations, créant un désordre total. Imaginez, entre janvier et avril 2020 il y avait déjà eu 4875 publications sur le sujet. Le 15 juillet suivant, ce nombre était rendu à 44 013 et à 87 515 à la mi-octobre.

En mai 2021, on estime qu’il y a eu plus de 170 000 publications produites sur les différents aspects de la COVID-19. Pour mieux mesurer l’aspect colossal de cette production, rappelons qu’à propos des nanotechnologies, sujet particulièrement « hot » depuis les années 90, il a fallu 19 ans pour passer des 4000 premiers articles scientifiques au nombre de 90 000 publications.

Évidemment, dans cet Everest d’informations on retrouve tout et son contraire. Aux côtés des meilleures recherches se trouvent des publications de piètre qualité. Il faut donc séparer le bon grain de l’ivraie. Mais pour ce faire, il faut lire et analyser chacun d’eux et avoir réussi à passer au travers de 350 articles chaque jour depuis que l’OMS a déclaré l’alerte sanitaire le 26 janvier 2020.

Cela c’est sans compter le temps nécessaire pour discuter des résultats contradictoires que commente quotidiennement une communauté de près de 5 millions de spécialistes à travers le monde.

Bref, la science, ce n’est pas simple

On comprendra qu’à la commande qui semble simple et évidente : « montrez-nous les données ! » il n’existe aucune réponse ni simple ni évidente.

Qu’on ait réussi à identifier le virus et séquencé son brin d’ARN, produit des tests sensibles et spécifiques, défini des mesures barrière relativement efficaces, jugulé les décès et les effets au long terme découlant des soins intensifs dans bien des pays, fabriqué des vaccins et les avoir distribués aussi rapidement, tient déjà du miracle. C’est celui des biotechnologies, mais surtout de l’effort concerté des dizaines de milliers de scientifiques, de médecins et de travailleurs de la santé.

Finalement, comme société, nous avons assisté en temps réel et en direct au développement d’un champ de connaissance comme si nous avions assisté tous ensemble à une chirurgie à cœur ouvert, plongeant dans les entrailles de la méthode naturellement hésitante et progressive de recherche et de construction du consensus scientifique.

Bien mieux qu’une téléréalité !

André Bilodeau, M.D. et professeur agrégé en médecine familiale à l’université McGill

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